Ce mois-ci, nous vous présentons les Photographies transcendantales. La confirmation de l'existence des fantômes, la preuve absolue qu'ils ne sont pas une hallucination subjective, peut nous être donnée par la photographie spirite. Mumler, photographe mais aussi médium, s'y intéresse, Beattie aussi, puis les expériences se multiplient aux Etats-Unis, en Europe et en France. En voici l'histoire et la légende.
Vers 1861, Mumler, graveur de la maison Bigelow, Bros et Kermand, faisant de la photographie à ses heures de loisirs, vit un jour apparaître sur une de ses épreuves une figure étrangère au groupe qu'il avait photographié. Il en conclut qu'une plaque déjà impressionnée était mêlée aux plaques neuves. Mais la seconde épreuve donna le même résultat.
Il s'agissait donc de la première photographie spirite. Le bruit se répandit vite et bientôt le pauvre amateur fut assiégé de demandes. Pour les satisfaire, il dut consacrer deux heures par jour à cette nouvelle industrie, puis, la clientèle devenant plus nombreuse, renoncer à son métier de graveur. D'importants personnages défilèrent incognito devant l'objectif de Mumler, qui, dit-on, acceptait toutes les conditions de contrôle exigées. Les figures apparues étaient celles dont le souvenir préoccupait la personne qui posait.
Le grand photographe de Boston, M. Black, l'inventeur des bains au nitrate, fit une enquête sur la méthode de Mumler. Il examina avec soin objectifs, plaques, récipients et bains, et obtint lui aussi des photographies de fantômes. Mumler, de plus en plus encouragé à prouver ses résultats, ouvrit un cabinet à New-York et continua à opérer avec le même succès, sous le contrôle d'autres photographes de la ville. Il n'en fut pas moins arrêté un jour, sous l'accusation de sorcellerie et de fraude. Dans son procès retentissant, il fut sauvé par de nombreux témoignages favorables et remis en liberté. Mais le doute subsista.
D’autres expériences furent tentées dont celles de John Beattie de Cleafton, honnête homme, incapable de fraude et habile photographe, qui voulut s'entourer d'un contrôle certain et opéra avec un bon médium, Butland. Ce dernier indiquait pendant la pose la forme des apparitions, que la plaque reproduisait ensuite, bien qu'elles fussent invisibles à l'œil humain. Ce qui était étonnant, c’est la rapidité de formation de ces images sur les plaques, bien supérieure à celle du développement des images normales. Invisibles à nos yeux et s’impressionnant sur la plaque, ces radiations étaient douées d'une telle énergie photométrique qu’elles apparaissent avant les autres images, dont le développement demande plus de temps. Beattie fut également suspecté.
Avec le même succès, des photographies furent par Guppy, Parkes, Reeves, Russel, Slater, Williams, en Angleterre, Reimers en Allemagne, Damiani en Italie.
Wagner obtint en Russie, avec Slater, le portrait de sa sœur placée entre deux figures fantomatiques, dont l'une était indubitablement lord Brougham, mort peu auparavant. Dans l'autre, Slater reconnut Robert Owen, son intime ami, qui lui avait promis, avant de mourir, de lui apparaître, s'il existait un autre monde.
L'éditeur Dow, de Boston, avait parmi ses employées une jeune fille qu'il aimait beaucoup et qui mourut à vingt-sept ans. Sept jours après cette mort, un médium lui dit qu'une jeune fille voulait le voir et lui donner des roses. Plus tard, Dow fit la connaissance d'un autre médium, Slade, qui dès la première séance écrivit automatiquement sur l'ardoise : « Je suis toujours avec vous », communication suivie de la signature de la morte.
De retour à Boston, Dow se présente à un autre médium et obtient l'apparition de mon amie, qui lui dit qu'elle est toujours près de lui et lui suggère d'aller chez le photographe Mumler. Il y va et obtient deux poses infructueuses, mais sur la troisième, il y a son amie, la main appuyée sur son épaule et la tête couronnée de fleurs. A noter que M. Dow était sceptique en matière spirite et doutait des photographies de Mumler.
Hartmann, de Cincinnati, également accusé de fraudes, obtint des résultats particulièrement probants pendant qu’une commission d’hommes assez sceptiques surveillait son travail pour trouver comment il trichait.
Les frères Randone, médiums très honnêtes et non payés obtinrent eux aussi des photographies.
En voici un exemple :
Le 18 mars 1901 au matin, Philippe Randone se sentit irrésistiblement poussé à faire un essai de photographie spirite, avec sa sœur. Il disposa deux chaises, l'une pour sa sœur, l'autre pour l'Esprit qui pourrait se matérialiser. Dès que sa soeur médium tomba en transe, on vit se former autour de lui des flocons de vapeur cotonneuse, laquelle se condensa rapidement en une nuée blanche et forma une figure blanchâtre aux cheveux noirs, à demi étendue à côté du médium, qui dormait en gémissant, comme c'est le cas dans l'état de transe.
Philippe Randone prit alors une épreuve, avec une pose de trente secondes, au bout desquelles le fantôme disparut. On développa la plaque, où l'on distingua à côté du médium l'image d'une jeune fille de dix-sept à dix-huit ans, vêtue de blanc, aux cheveux longs et noirs. Personne de l'assistance ne la connaissait, mais, par des communications successives obtenues par la sœur de Randone, l'apparition fit savoir qu'elle était jeune et belle de son vivant, que ses parents étaient riches et habitaient un château à Ar.., qu'on l'appelait Bebella, qu'elle était morte en 1889, qu'après trois jours d'exposition publique, on l'avait enterrée dans une chapelle sur une hauteur au milieu d'un bois, etc.
Par ces détails, narrés dans un style un peu puéril et avec la confusion d'idées qui caractérise nombre de communications, on put savoir que le prince M... avait réellement perdu à Ar... en 1889, de scarlatine compliquée de néphrite, une fille de dix-sept ans, appelée familièrement Bebella pour Isabelle, et répondant presque exactement au portrait obtenu, ainsi qu'aux détails donnés par ses communications. Le même fantôme revint à d'autres séances, fit des apports et put être encore photographié.
Tuminolo, à Rome avec le médium Politi, a pu obtenir la photographie de sa fillette morte depuis quelques années. Pour éviter tout soupçon de fraude, il acheta lui-même la plaque d'expérience et la marqua d'un signe.
Très intéressants aussi sont les résultats obtenus par William Stead. Stead avoue qu'il est facile de truquer en photographie. Aussi s'est-il servi de plaques marquées à l'avance et développées par lui-même.
« J'ai obtenu, dit-il, nombre de photographies semblables, mais je me borne à un cas bien frappant. Le photographe à qui sa médiumnité permet de photographier l'invisible est vieux et sans instruction, clairvoyant et clairaudiant. Je lui demandai une séance.
A peine étais-je assis qu'il me dit : « L'autre jour, j'ai eu une surprise. Un vieux Boer m'est apparu, armé d'un fusil, et son regard farouche m'a effrayé. Le voici encore, il vient d'entrer avec vous ; il est désarmé et son regard semble plus rassurant.
- Pourriez-vous le photographier, dis-je, et lui demander son nom ?
- Il me dit s'appeler Piet Botha.
- Piet Botha, objectai-je avec un geste de doute, je connais un Philippe, un Louis, un Chrétien et bien d'autres Botha, mais je n'ai jamais entendu parler de ce Piet.
- Il affirme que tel est bien son nom, dit le photographe.
Sur la plaque développée, je pus distinguer une figure hirsute et barbue, appuyée contre mes épaules. Je ne dis rien et attendis.
A la fin de la guerre des Boers et avec l'arrivée du général Botha à Londres, je lui fis remettre la photographie par
M. Fischer, ministre de l'Etat d'Orange.
Le lendemain, je recevais la visite d'un autre délégué, M. Wessels, qui me dit être très étonné de voir entre mes mains cette photographie.
L’homme à la figure hirsute et barbue était Pétrus Botha, un de ses parents, appelé familièrement Piet, premier commandant boer tué au siège de Kimberley. La photographie fut également identifiée par d'autres délégués qui avaient connu Piet Botha.»
En 1909, Ochorowicz a obtenu la photographie d’un Esprit familier du médium Tomaczyk. Il explique : « Voici la photographie de la petite Stasie, prise le 6 avril, dans une chambre tout à fait obscure et vide, voisine de celle où je me tenais avec le médium. Nous avons constaté une douzaine d'éclairs en différents points de la chambre, et assez près de la médium, dont les mains étaient bien tenues. Leur lumière n'éclairait que le fantôme et la chaise où il était assis.
Nous l'avons photographié à un demi-mètre avec un appareil Sutar et des plaques Lumière. Le buste est incomplètement matérialisé et recouvert par une serviette.
Celle-ci, était auparavant posée sur la chaise et se trouve maintenant sur la table. Or, personne n'étant entré dans la chambre. Qui a pu changer la serviette de place ? D'où vient l'éclair ayant permis la photographie ?»
Une nombreuse série de photographies spirites a été obtenue par le Dr Imoda, aidé du médium Lina G..., sous contrôle.
Le médium avait un Esprit familier qui s’appelait Vincent. Au début, cet Esprit montra un caractère brutal et cynique comme il l’avait de son vivant et il provoqua des phénomènes désordonnés, chute d'objets lourds, ruptures de meubles et d'instruments scientifiques, et même des coups aux personnes. Par la suite il s'humanisa un peu dans ses actes et son langage tout en conservant son individualité bien marquée.
Il promit avec du temps et de la patience des photographies de mains et de figures médianimiques et au bout d'un an, il tint sa promesse.
D'abord, il laissa voir son image à peine perceptible, puis une main entourant comme un collier la tête du médium. Au bout de trois mois de ces apparitions incomplètes, apparut, selon sa promesse, la face voilée et sans tronc d'une jeune femme se disant amie de Vincent, puis une jolie figure d'enfant de quatre ans, que Vincent dit être la fille de la précédente. Dans les séances suivantes, on obtint une belle et nette figure de femme se disant rivale de la précédente, ainsi que d'autres images jolies et fraîches, presque vivantes.
En tout, trois femmes et trois enfants, aux troncs et aux membres inférieurs à peine formés, drapés de voiles médianimiques cachant le corps, ou plutôt en masquant l'absence. Bien que leur authenticité soit certaine, puisque nous les avons développées sous nos yeux, l'absence d'ombre les fait ressembler à des portraits retouchés.
Ces images dont manquaient une partie du corps et ressemblaient à des paquets ou à des fantoches raides plantés sur des bâtons !
En résumé, on peut dire qu’il y a plusieurs manières de classer ces photographies. On a celles que l’on obtient :
1° de portraits d'entités spirites invisibles dans les conditions normales ;
2° de fleurs, couronnes, lumières, images étrangères, à la pensée du médium ou de l'opérateur au moment de l'impression ;
3° de sujets qui semblent être la reproduction de statues, peintures on dessins. Ces images attribuées parfois à tort à des trucs grossiers, ne sont d'ordinaire que la reproduction d'images mentales plus ou moins conscientes chez le médium, ou bien des signes volontaires donnés par des intelligences étrangères de l'espace ;
4° d’images de formes matérialisées visibles à tous les assistants ;
5° de reproduction du corps astral ou double de personnes vivantes ;
6° d’épreuves où il semble que le développement n'ait rien fait apparaître, mais où le médium ou tout autre clairvoyant distinguent des images bien indépendantes de la personnalité de l'observateur.