Ce mois-ci, nous vous présentons Franek Kluski. Né en Pologne, à Varsovie en 1873, il fut surnommé par le physicien Robert Tocquet de « géant de la médiumnité » et c’est sans doute parce qu’on le considère aujourd’hui comme un des pionniers du spiritisme du XXe siècle.
Franek Kluski est né en Pologne, à Varsovie en 1873. Franek était un enfant plutôt rêveur et solitaire, probablement marqué par le décès de ses frères et sœurs. Dès l’âge de cinq ans il avait la vision exacte de faits lointains et la perception de « fantômes » qui pour lui avaient l’apparence d’êtres vivants. Ces phénomènes lui semblaient tout à fait naturels.
C’est ainsi qu’il fut témoin d’une conversation entre son père et son grand-père décédé, qui termina en gifle du grand-père à qui le père, ivre, manqua de respect. La trace de la baffe d’outre-tombe, resta plusieurs jours sur la joue du papa.
Pour entrer plus intimement en communion avec ce qu’il vivait, voici un extrait qu’il nous livre. On remarquera qu’il parle de lui à la troisième personne :
« Pendant la journée, le petit garçon restait dans un coin, dormant ou couché sur le dos, le regard perdu. Le soir, quand les lampes étaient allumées, il s’animait. […] il prenait deux chaises qu’il couvrait d’un grand châle et il se glissait sous cette tente improvisée […]. Il se tenait bien coi et quand ses parents lui demandaient ce qu’il faisait, il répondait, invariablement, qu’il allait voir « la taupe ». »
Bien entendu, ses parents n’y prêtaient aucun crédit, mais ce n’était pas le cas des autres enfants :
« Une fois que ses parents étaient sortis […] il invita tous les enfants, ainsi que la petite bonne de sa sœur cadette, à entrer sous cet abri, pour voir La Taupe. […] la chambre où ils se tenaient était chauffée par un grand poêle en faïence, qui, à ce moment, commença à craquer bien fort. […] Le petit garçon se leva alors, sortit de dessous la tente et se dirigea vers le poêle. Mais, au même moment, la lampe qui éclairait la pièce s’éteignit subitement, et par la petite porte du poêle il sortit comme un brouillard bleu, qui entoura le garçon et flotta dans la chambre. Les enfants poussèrent des cris d’effroi, mais le petit garçon leur dit de ne pas avoir peur, car c’était justement La Taupe qui venait d’arriver. »
Franek se mit alors à raconter l’histoire de « la taupe » d’une voix différente de la sienne :
« Cette voix racontait que le chemin qui mène à La Taupe est très long ; on traverse de longs corridors sombres, puis il faut s’arrêter et attendre que les ténèbres s’éclairent, puis le chemin devient plus clair. Il racontait qu’on enterre les petits enfants morts, car, une fois enterrés, ils peuvent plus facilement parvenir à la taupe. […] Il y avait dans la chambre une pendule qui sonnait les heures lorsqu’on tirait un petit cordon lié à la mécanique. Il n’y avait personne près de la pendule, cependant on l’entendit frapper les heures sans discontinuer. […] On entendit des bruits de pas légers dans la chambre ; les enfants croyaient que c’était le chat qui était entré, mais le petit garçon leur dit que c’était la taupe qui s’approchait. »
« Bien que la chambre fut plongée dans une complète obscurité, la tente était éclairée à l’intérieur d’un demi-jour, et les enfants virent, à leur grand étonnement, un petit frère mort, et une petite sœur également morte ; ils comprirent qu’ils s’avançaient vers le royaume de la taupe, et ils manifestèrent plus d’étonnement que de frayeur. Les images des enfants morts s’évanouirent peu à peu. Les enfants prièrent le petit garçon de poursuivre leur voyage vers la taupe. Il leur dit que cela était impossible mais il leur montra une petite fente lumineuse et les pria de regarder à travers cette fente. Devant leurs yeux se déroulèrent les images les plus diverses. Ils virent une enfilade de salles, de corridors éclairés comme par des reflets de pierres précieuses. Les salles étaient remplies de formes humaines diaphanes et lumineuses, qui flottaient dans l’air. Les enfants regardaient ce spectacle avec admiration, et chacun se demandait : « Suis-je ici pour la première fois ? » Mais les paysages commencèrent à s’estomper ; on eut dit qu’un coup de vent avait balayé les salles et les formes flottantes, et puis tout disparut. On entendit des bruits dans la maison. Un chien aboya. C’étaient les parents qui rentraient du théâtre. »
La désapprobation verbale, voire physique de ses parents, n’empêcha pas Franek de poursuivre ses expériences de sortie du corps malgré les impressions de noyade ou d’étouffement qu’il éprouvait pour se dégager. Il pouvait contempler son corps et allait rejoindre la « taupe ». C’est ainsi qu’il eut connaissance et qu’il prédit la pneumonie de sa mère ou la manipulation programmée par un ouvrier de l’usine à l’encontre de son père. Il aimait à se rendre dans les cimetières et les forêts où, étendu dans l’herbe, il voyait des proches disparus et des animaux que ses camarades pouvaient d’ailleurs également percevoir. Il tomba amoureux à seize ans d’une jeune fille qui mourut et dont la vision dans son cercueil le poursuivit dans tous les moments importants de sa vie. Cependant, quatre ans après sa mort elle lui apparut rayonnante, l’embrassant et lui récitant des vers, tout comme de son vivant.
Pendant l’hiver 1918-19, il assiste avec des amis à une séance de spiritisme avec le célèbre médium Jan Guzik, des manifestations lumineuses eurent lieu. Il continua seul les séances et pris alors conscience de sa médiumnité. A l’âge de quarante sept ans, il intègre en 1920 l’institut métapsychique. C’est un homme de taille moyenne, affable, cultivé, polyglotte même, qui exerce une profession libérale et, à ses heures perdues, est écrivain et poète. Il est nerveux et hyper émotif.
Ces dons furent tout d’abord étudiés en Pologne mais c’est avec Charles Richet, A. de Gramont, et le docteur Geley que les expériences de matérialisations furent conduites en France. C’est lors de ces séances que l’on put observer des phénomènes lumineux, des déplacements d’objets et surtout des matérialisations dont on a pu obtenir des moulages conservés à ce jour à l’institut métapsychique.
La séance habituelle se passe en lumière rouge. Le médium reste toujours rigoureusement immobile, contrairement à d’autres, ce qui facilite le travail des contrôleurs, qui lui tiennent vigoureusement les mains avec mission de ne jamais les lâcher. Le médium sombre rapidement dans un état de demi-transe, parfois de transe profonde. On voit alors se former autour de lui des lueurs phosphorescentes, qui semblent être le premier stade de la matérialisation de la « substance », laquelle peut prendre une forme d’apparence liquide, voire même, plus rarement, solide.
Ainsi, lors de la séance du 14 novembre, une main paraît sortir des flancs du médium. Ce sont ces prolongements apparemment matériels que l’équipe de Geley va s’efforcer d’objectiver. Pour cela, on adopte le dispositif suivant : à proximité du médium, on dispose un baquet d’eau chaude sur lequel flotte une pellicule de paraffine fondue. Quand l’entité se matérialise, on lui demande de plonger sa main, son pied, ou une partie de son visage dans le baquet. Il se forme alors aussitôt un moule de paraffine qui durcit rapidement au contact de l’air ou de l’eau froide qui se trouve dans un baquet voisin. Puis, le « membre » ectoplasmique se désintègre, et laisse une espèce de gant très fragile à partir duquel seront obtenus des moulages.
Notons, qu’afin de parer à toute possibilité de supercherie, le Docteur Geley jeta au dernier moment du cholestérol dans la paraffine fondue, cholestérol que l’on retrouva dans l’analyse du gant produit par l’ectoplasme.
Franek se désincarnera en 1943.