Ce mois-ci, nous vous présentons Un cas de réincarnation : les jumelles du docteur Samona. Le docteur Samona nous expose l'étonnante réincarnation de sa fille. Avec lui, nous suivons le deuil, puis les communications de l'au-delà et enfin l'incarnation et les preuves qu'il découvre chaque jour.
Le récit de M. Carmelo Samona, de Palerme, docteur en droit et en médecine, concernant les circonstances qui ont accompagné la naissance de ses deux fillettes Alexandrine et Maria-Pace, constitue probablement, sinon le document le plus sensationnel, du moins le plus intéressant, vu la manière sérieuse et méthodique dont il a été étudié, que l'on connaisse au sujet de la doctrine de la réincarnation.
Le 13 mars de l'année 1910, écrivait donc le De Samona au mois de janvier 1911, après une maladie très grave (méningite) mon adorée petite fille, Alexandrine, âgée de presque cinq ans, cessait de vivre. Ma douleur et celle de ma femme, qui semblait en devenir folle, furent immenses.
Trois jours après la mort de l'enfant, ma femme la vit en songe, telle qu'elle était en vie, et lui disant :
- Maman, ne pleure pas, je ne t'ai pas quittée, je ne me suis pas éloignée de toi ; vois-tu, maintenant je vais devenir petite comme cela.
Et ce disant elle lui montrait comme un petit embryon complet, ajoutant :
- Tu devras commencer à présent à souffrir une autre fois pour moi.
Après trois autres jours, le rêve se répéta presque identique.
Une amie de Mme Samona lui dit alors que ce songe pouvait être un avertissement personnel de l'enfant, mais la pauvre mère demeura également incrédule à la possibilité de ce retour, d'autant plus qu'ayant eu un avortement récent avec opération (21 novembre 1909) et de fréquentes hémorragies, elle était sûre de ne pouvoir plus être enceinte.
Un jour que Mme Samona exprimait à son mari tout son désespoir, trois coups secs et forts, ressemblant à ceux que frappe une personne avant d'entrer, se firent entendre à la porte de la chambre où ils se trouvaient. Les trois petits garçons de M. et Mme Samona, recevant la même impression, ouvrirent la porte en s'écriant :
- Tante Catherine, entre !
Mais personne n'était dans la chambre contiguë, qui était un salon, et se trouvait plongée dans l'obscurité. Ceci impressionna beaucoup la famille, surtout survenant à une heure de découragement intense.
Le soir même de ce jour, dit M. Samona, nous résolûmes de commencer des séances médiumniques typtologiques que nous continuâmes méthodiquement pendant trois mois environ et auxquelles prenaient part ma femme, ma belle-mère, moi et de mes trois garçons.
Dès la première séance se présenta deux entités ; l'une qui se donna pour ma petite fille et l'autre pour une de mes soeurs morte il y a bien longtemps, à l'âge de quinze ans, laquelle, selon ses dires, était le guide de la petite Alexandrine. Celle-ci s'exprima toujours avec le même langage enfantin, comme lorsqu'elle était en vie, l'autre avec un langage élevé et correct, elle prenait généralement la parole, soit pour fournir l'explication de quelque phrase de la petite entité, que l'on ne comprenait pas toujours, soit pour induire ma femme à croire aux affirmations de l'enfant.
Dans la première séance, Alexandrine, après nous avoir dit que c'était bien elle qui était apparue dans le rêve à sa mère, et que les coups entendus le matin avaient été frappés pour montrer sa présence et essayer de la réconforter par des moyens plus impressionnants, ajouta : - Ma petite mère, ne peine plus, car je recommencerai tout de suite à renaître par toi, et avant Noël je serai avec vous.
Et elle continua :
- Papa chéri, je reviendrai ; petits frères, je reviendrai ; grand'mère, je reviendrai ; dites aux autres grands-parents et à la tante Catherine qu'avant Noël je reviendrai...
Et ainsi de suite pour tous les autres parents et les connaissances avec lesquelles la petite Alexandrine avait eu des rapports plus serrés durant sa courte vie.
Pendant trois mois, les communications se poursuivent, ne variant que très peu, et consistant à répéter sans relâche l'annonce du retour de l'enfant dans le sein de sa mère. Mais dès le commencement, elle annonça qu'elle ne pourrait se communiquer avec sa famille que pendant trois mois environ, car ensuite elle serait davantage attachée à la matière puis elle serait endormie complètement.
Le Dr Samona continue en disant : le 10 avril, ma femme eut un premier soupçon d'être enceinte. Le 4 mai, un nouvel événement nous était annoncé par la petite entité. Nous nous trouvions alors à Venetico (province de Messine) :
- Maman, dit-elle, il y en a une autre dans toi.
Comme nous ne comprenions pas cette phrase et la croyions erronée, l'autre entité (Giannina) intervint en disant :
- L'enfant ne se trompe pas mais elle ne sait pas bien s'exprimer ; un autre être voltige autour de toi, qui veut aussi revenir sur cette terre.
Depuis ce jour, Alexandrine, dans toutes les communications, affirma constamment et obstinément qu'elle serait revenue avec une petite sœur, et, de sa façon de s'exprimer, elle semblait s'en réjouir, Mais cela, au lieu d'encourager et de réconforter ma femme, fit augmenter en elle doutes et incertitudes, et même, après ce nouvel et curieux message, elle devînt plus que jamais certaine que tout devait finir par une grande désillusion.
Trop de faits, effectivement, devaient se réaliser maintenant après cette annonce pour que ces communications passent être véridiques, c'est-à-dire premièrement, qu'elle fût véritablement enceinte ; deuxièmement, qu'étant donné ses souffrances récentes, elle n'avortât point comme il lui était déjà précédemment arrivé ; troisièmement, qu'il s'agit de deux créatures, ce qui lui paraissait encore plus difficile du fait qu'il n'y avait eu de précédents ni en elle, ni dans ses ascendants, ni dans les miens ; quatrièmement, et que s'agissant de deux créatures, ce ne fussent ni deux garçons, ni un garçon et une fille, mais bien deux filles. Il était réellement encore plus difficile de prêter foi à la prédiction d'un ensemble de faits aussi complexes, contre lesquelles militaient une série de probabilités contraires.
Ainsi, ma femme, malgré toutes ces belles prédictions, vécut jusqu'au cinquième mois dans les larmes, incrédule, et l'âme torturée en dépit que la petite entité, dans ses dernières communications, l’eût conjurée d'être contente, en lui disant :
- Prends garde, maman, que si tu continues à être si triste, tu finiras par nous donner une constitution peu solide.
A un doute qu'exprima ma femme à l'une des dernières séances, relativement à la difficulté qu'elle ressentait à croire au retour d'Alexandrine, même si cela arrivait, car difficilement son corps aurait pu désormais ressembler à celui d'auparavant, l'entité Giannina s'empressa de répondre :
- Cela aussi, Adèle, te sera concédé ; elle renaîtra parfaitement semblable, peut-être un peu plus belle.
Au cinquième mois de grossesse, le Dr Vincent Cordaro, spécialiste, dit à Mme Samona que, bien qu'il ne pût rien affirmer, il lui semblait qu'il s'agissait de deux jumeaux.
Un peu avant la fin des sept mois, terrible alarme : la mère apprend une nouvelle qui lui cause une forte commotion ; elle éprouve des douleurs et des symptômes faisant craindre un accouchement prématuré d'où les enfants ne seraient pas nés viables. Enfin, contre toute attente, le danger est écarté. M. et Mme Samona retournèrent à Palerme, où Mme Samona fut visitée par le médecin accoucheur bien connu, le Prof. Giglio, qui constata sans plus la grossesse et reconnut deux jumeaux. Il restait encore pourtant d'autres faits beaucoup plus intéressants à voir se confirmer, particulièrement le sexe, et qu'il s'agît de deux filles, et que l'une d'elles rappelât de quelque façon physiquement et moralement, la petite Alexandrine.
Le sexe fut enfin confirmé le matin du 22 novembre où ma femme donna le jour à deux fillettes. Quant à la constation des ressemblances possibles physiques et morales, il faudra nécessairement laisser passée quelque temps, et vérifier à mesure que les enfants se développeront. Il est étrange, cependant que, du côté physique, on puisse observer certains faits qui confirmeraient encore la prédiction et encouragent à continuer les observations, parce qu'ils font espérer que les communications puissent être vérifiées sous ce rapport aussi. En effet, les deux enfants, pour le moment du moins, ne se ressemblent pas entre elles, et sont même fortement dissemblables de corps, de teint et de forme ; la plus petite semble pourtant une copie fidèle de la petite Alexandrine lorsqu'elle naquit, et, chose étrange, cette dernière reproduisit dans sa naissance trois particularités physiques, à savoir : hypérémie de l'œil gauche, séborrhée de l'oreille droite, et une légère asymétrie dit visage, exactement identiques à celles avec lesquelles était née la petite Alexandrine.
Plusieurs témoignages font suite au récit du Dr Samona, Mme Catherine Samona-Gardini, soeur de M. Samona, déclare qu'elle eut connaissance du rêve de Mme Samona immédiatement après, et confirme que les deux jumelles ne se ressemblent point, mais que l'une d'elles ressemble parfaitement à Alexandrine. Mme la princesse de Niscemi, Mlle Adèle Mercantini, MM. le comte Ferdinand Monroy de Ranehibile, oncle de Mne Samona, née Monroy de Formosa, le marquis Joseph Natoli, M. le prof. Raphaël Wigley, attestent que, quelques mois avant la venue au monde des deux fillettes, ils connaissaient le rêve et les prophéties obtenues durant des séances médiumniques .
Maintenant, il était très intéressant de connaître si l'une des fillettes jumelles du Dr Samona, celle que l'on supposait être la réincarnation de la petite Alexandrine, et qui reçut, naturellement, le même prénom, ne se serait pas comportée de manière à confirmer ou détruire l'hypothèse attendrissante de ses parents. C'est ce à quoi se rapporte le nouveau récit du Dr Carmel Samona, que nous reproduisons ici en entier.
Le cas de mes petites jumelles déjà publié par moi dans la Filoso fia della Scienza n° 1, 15 janvier 1911, et reproduit en différentes revues et livres italiens et étrangers, a soulevé l'intérêt d'une grande partie du monde intellectuel, comme il résulte aussi de plusieurs lettres qui sont parvenues à la direction de cette revue et à moi directement.
Ceci me fait éprouver une certaine responsabilité clans la continuation de ce récit, car je n'ai pas la présomption de posséder tout l'esprit d'observation qui serait nécessaire pour étudier un fait dont l'importance est aussi démontrée par cet intérêt général.
Donc, je crains et je crois très possible que des faits dignes peut-être d'une attention particulière me soient échappés, et que j'en aie au contraire enregistrés d'autres qui n'en méritaient peut-être aucune mais ma qualité de père, qui me met à même d'avoir continuellement les deux enfants sous mes yeux, et de connaître tous les détails se rapportant à la petite défunte, ont fait de moi l'unique observateur et témoin possible.
Je tiens cependant à insister sur un fait : qu'en aucune façon cette qualité de père n'a troublé la sérénité de mes observations, comme quelques-uns pourraient peut-être le croire, car j'ai tâché de me maintenir toujours objectif, sans me laisser entraîner par des théories aprioristiques mi par le sentiment.
Comme je l'ai déjà dit dans le numéro cité plus haut, il était nécessaire, dans un cas de ce genre, de laisser passer quelque temps pour pouvoir recueillir des observations utiles, le cas échéant ; en effet, aujourd'hui que deux ans et sept mois se sont écoulés depuis la naissance de mes fillettes, j'en ai pu recueillir quelques-unes qui méritent une certaine attention.
Que personne, malgré cela, ne s'attende à des faits sensationnels, parce que jusqu'à présent, rien de tel n'est survenu, mais ceux que j'ai pu recueillir n'en sont pas moins tels à faire certainement méditer. Quant au physique, la dissemblance entre les deux enfants vivantes s'est conservée constante et maintenant, non seulement au physique, unique dissemblance possible à observer au commencement, mais aussi au moral.
J'ai voulu parler de cette dissemblance, parce que, bien qu'à première vue elle ne paraisse pas avoir d'importance en notre cas, elle a cependant une valeur en ceci, qu'elle fait ressortir encore davantage la ressemblance de l'actuelle Alexandrine avec celle qui la précéda, et tend à éloigner l'idée d'une influence suggestive possible de la part de la mère dans la formation du physique et du moral de l'Alexandrine actuelle.
De toute façon, comme j'avais décidé de le faire lorsque je publiai ce cas, je m'abstiendrai de toute opinion ou interprétation, me bornant à la simple exposition des choses que j'ai observées, et laissant au contraire les lecteurs élaborer sur elles leurs considérations.
L'Alexandrine actuelle a toujours avec celle qui est morte une ressemblance parfaite. Ceci ne peut pas être encore complètement bien discerné par les photographies que je publie ici, soit parce qu'elles ne reproduisent pas des positions identiques, chose excessivement difficile à obtenir, soit, et plus encore, parce que celles de l'Alexandrine défunte la représentent à un âge supérieur à celui où l'Alexandrine actuelle a été photographiée. En tout cas, je puis affirmer d'une manière absolue qu'à part les cheveux et les yeux qui sont pour le moment un peu plus clairs que ceux de la première au même âge, la ressemblance continue d'être parfaite.
Mais plus que le physique, c'est maintenant l'ensemble des manifestations psychologiques qui se sont graduellement déroulées chez l'enfant, qui confère un intérêt nouveau et plus grand à notre cas.
Lorsque les deux petites vies commencèrent à se mettre en relation avec le monde extérieur, elles s'acheminèrent bien vite dans deux directions différentes, et l'on peut y voir dès à présent deux natures parfaitement distinctes. Je ne parlerai pas d'une manière spéciale des caractéristiques de Maria Pace, parce que si la connaissance en général des dissemblances entre sa psychologie et celle d'Alexandrine peut avoir quelque valeur pour nous, les détails n’en auraient aucun. J'entre donc tout de suite en ce qui concerne la psychologie d'Alexandrine. Je parlerai d'abord de plusieurs faits d'ordre général et qui donnent le ton de son caractère affectif et intellectif.
A l'opposé de Maria Pace, elle est en général tranquille ; cette tranquillité s'étend aussi aux manifestations de son affection, qui n'est pas pour cela moins tendre et caressante.
L'une de ses caractéristiques principales consiste dans sa façon d'occuper généralement sa journée. S'il lui arrive d'avoir à sa portée du linge et des vêtements, elle passerait des heures entières à les plier et à les caresser de ses petites mains, aux les bien rangés (à son avis) sur quelque chaise ou dans quelque tiroir. Si elle ne peut pas faire cela, son passe-temps préféré est de rester appuyée à une chaise, sur laquelle elle veut qu'on mette quelque objet avec lequel elle joue, en faisant dans l'intervalle des soliloques à mi-voix. Dans cette occupation aussi, elle est souvent capable de persister longtemps sans se lasser.
Il est facile de comprendre que, de cette façon, elle cause peu d'embarras et se suffit à elle-même ; au contraire Maria Pace, très vive et plus bavarde, ne peut pas patienter longtemps dans une même occupation, et a plus souvent besoin de la compagnie d'autres personnes pour ses amusements.
Or, cette tranquillité et ces deux occupations spéciales formaient l'une des caractéristiques principales de l'Alexandrine défunte, et avaient alors attiré notre attention.
Sans doute Maria Pace aime tendrement sa mère et s'approche souvent d'elle pour la caresser et la couvrir de baisers mais ces manifestations d'amour faites d'une manière tumultueuse ont une courte durée, et elle sent vite le besoin de s'éloigner pour retourner à ses jeux. Par contre, Alexandrine, qui recherche également sa mère, est cependant dans ses manifestations affectives beaucoup plus tranquilles, comme je l'ai déjà dit, mais non pour cela plus froide. Ses caresses sont délicates et ses manières douces, et, lorsqu'elle s'est agrippée à sa mère, elle ne voudrait jamais s'en détacher. C'est en cela seulement qu'elle déroge à sa tendance de se suffire à elle-même ; en effet, lorsque sa mère veut s'en détacher pour aller à ses occupations, il est difficile d'y parvenir sans susciter des cris et des pleurs.
C'est ensuite un très joli spectacle de voir la manière de se comporter différentes des deux petites, lorsqu'on les fait entrer parfois dans le salon où l'on reçoit des visites. Maria Pace s'avance promptement, et sans hésitation tend sa petite main à tout le monde, prodigue les baisers, engage la conversation, tandis qu'Alexandrine va tout de suite cacher son visage humide de larmes sur les genoux de sa mère. Après quelques minutes la scène change, Maria Pace, fatiguée du monde, veut s'en aller, tandis qu'Alexandrine, familiarisée avec les nouveaux visages, ne veut plus partir, et, sur les genoux de sa mère, fait attention comme si elle prenait goût à la conversation.
Dans tout cela aussi (manière d'aimer et maintien dans la conversation) Alexandrine reproduit fidèlement celle qui l'a précédée.
Je passe maintenant à plusieurs faits d'ordre plus particulier, qui, complétant le caractère de l'enfant, trouvent une correspondance parfaite dans les habitudes et les impressions de la précédente Alexandrine.
Un grand silence règne autour de la villa que nous habitons, laquelle est éloignée de la ville, de sorte que lorsqu'un char passe dans le voisinage, le bruit se fait fortement sentir. Or, ce roulement trouble beaucoup l'âme d'Alexandrine, qui, chaque fois que la chose se produit et qu'elle n'est pas distraite, se cache dans les genoux de sa mère en disant : Alexandrine s'épouvante. Exactement, jusqu'aux paroles précises à la troisième personne, ce que faisait et disait la première Alexandrine dans des occasions semblables.
De même qu'elle, l'enfant a une grande terreur du barbier qu'il lui arrive quelquefois de voir quand celui-ci vient chez moi. Inutile de dire que Maria Pace ne souffre pas de ces terreurs.
Elle n'aime pas beaucoup les poupées mais elle préfère s'amuser avec les enfants de son âge, comme préférait justement l'autre Alexandrine, et, comme l'autre, elle veut toujours tenir ses petites mains propres, et réclame avec insistance qu'on les lui lave toutes les fois qu'elles se salissent un peu. Comme l'autre, elle a l'horreur du fromage et refuse sa soupe lorsqu'on lui en met un peu en cachette.
La première Alexandrine est morte sans qu'on ait pu lui supprimer complètement le défaut d'être gauchère ; nonobstant nos efforts constants pour chercher à la corriger or, l'actuelle Alexandrine s'est déjà montrée obstinément gauchère, et naturellement nous avons recommencé avec elle les mêmes efforts de correction. Aucun de mes enfants, y compris Maria Pace, n'a jamais démontré cette tendance'en dehors d'elle.
Dans la chambre de ses frères il y a une petite armoire où l'on enferme les chaussures. Quand elle parvient à entrer dans cette chambre et ouvrir l'armoire, c'est pour elle une grande joie de les en tirer et de jouer avec elles. Ceci était une passion de la première ; mais ce qui nous a le plus impressionnés, c'est que, justement comme l'autre, elle veut toujours chausser un seul de ses petits pieds dans une de ces bottines, naturellement très grandes pour elle, et marcher ainsi dans la chambre.
Enfin, voici un autre détail très digne de remarque, car il fut un des caractères de l'autre si marquant, que ma soeur, à laquelle il se rapportait plus spécialement, le conservait dans son cœur comme un critère probant pour le cas où il se serait vérifié aussi dans cette enfant, et ne dit rien à personne de crainte que la nouvelle Alexandrine ne fût amenée à le reproduire par suggestion.
L'autre Alexandrine, à l'âge de deux ans environ, commença par amusement à écorcher les noms ; ainsi, elle faisait d'Angeline : Angelona, Angelona, et de Caterina (nom de sa tante) Caterana, Caterona, et finit par l'appeler toujours tante Caterana.
Personne de nous n'avait alors fait trop attention à cela, et c'est ma sœur qui, ayant vérifié le fait chez la seconde fillette, au même âge, en fut stupéfiée, et le rappela à la mémoire de tous. Il n'est pas besoin de dire qu'aucune de ces caractéristiques ne s'est vérifiée dans Maria Pace.
Il y a autre chose qui a déjà attiré mon attention, mais je préfère ne pas encore en parler parce que je n'en ai pas encore la pleine confirmation.
Sans doute, chez les tiers qui n'ont pas connu les deux enfants et n'ont pas vécu dans leur intimité, la simple exposition de ces faits ne peut pas susciter l'impression de correspondance parfaite entre les diverses manifestations de ces deux petites vies (les deux Alexandrines). Pour nous, les correspondances sont si parfaites, que pour exprimer le sentiment qu'elles produisent dans notre famille, je ne puis mieux faire que me rapporter à une comparaison.
Le déroulement de la vie de l'actuelle Alexandrine, pour ce qui regarde l'image, les habitudes et les tendances, est à peu près pour nous comme si l'on recommençait à dérouler devant nous le même film cinématographique ayant déjà fonctionné avec la vie de l'autre. De toute manière, si les tiers ne peuvent sentir et juger exactement comme nous de la famille, ou quelque ami, la correspondance de ces faits d'ordre général et particulier, déjà constatée à un âge où le champ de la conscience est encore si borné, ils pourront cependant, admettre que cette correspondance trouve difficilement son application dans des coïncidences fortuites ou dans l'hérédité, si l'on repense spécialement aux autres faits qui précédèrent la naissance des deux enfants.
Tiré des Annales psychiques de juillet 1913