Ce mois-ci, nous vous présentons Le frappeur de la maison du maître tailleur Pierre Senger. Au 1er janvier de l’année 1852, la famille Pierre Senger, à Bergzabern, entendit dans leur maison des coups sourds paraissant venir de loin, puis ils devinrent successivement plus forts et plus marqués. Ces coups semblaient être frappés contre le mur près duquel était placé le lit où dormait leur enfant : Philippine Senger. Les faits se passent en 1852, à une époque où l’on commençait à peine à parler des Esprits. Les manifestations du frappeur ont été rapportées dans le journal de Bergzabern puis relatées dans la revue spirite de 1858.
Lors de ces évènements qui durèrent environ une année (dans ce qui a été rapporté au journal), il y eut plusieurs étapes dans les manifestations de l’esprit.
Coups frappés, grattements, les débuts des échanges avec l’esprit
Tout commence le 1er janvier de cette année 1852, la famille Pierre Senger, à Bergzabern, entendit dans la maison qu’elle habitait et dans une chambre voisine de celle où l’on se tenait ordinairement, comme un martèlement qui commença d’abord par des coups sourds paraissant venir de loin, puis qui devint successivement plus fort et marqué. Ces coups semblaient être frappés contre le mur près duquel était placé le lit où dormait leur enfant : Philippine Senger, alors âgée de douze ans. Le bruit se faisait entendre habituellement entre 9h30 et 10h30. Cette singularité se renouvelait chaque soir. Plusieurs recherches furent effectuées pour essayer de trouver la source de ce bruit, mais sans résultats. Le lit fut transporté au côté opposé de la chambre ; alors, chose étonnante, c’est de ce côté que le bruit eut lieu, et aussitôt que l’enfant était endormi.
Ils supposèrent donc que la manifestation du bruit avait un rapport avec l’enfant. Cette manifestation ne fit que se développer : le bruit se prolongea au-delà d’une heure et avec plus d’intensité. L’enfant fut changé de chambre et de lit. Le frappeur se manifesta dans cette nouvelle chambre, sous le lit, dans le lit et dans le mur. Les coups frappés étaient tantôt forts, tantôt faibles et isolés ou se succédaient rapidement suivant le rythme de marches militaires et de danses.
Ils s’aperçurent que pendant son sommeil, l’enfant émettait des paroles brèves, incohérentes. Les mots devinrent bientôt plus distincts et plus intelligibles ; et il semblait que l’enfant s’entretenait avec un autre être sur lequel il avait de l’autorité. Voici une des preuves de ces échanges et de l’autorité de l’enfant sur l’esprit dont on fut témoin : l’enfant était endormi dans son lit, sur le côté gauche. Les coups commencèrent et il se mit à parler de la sorte : « Toi, toi, bats une marche. » et le frappeur battit une marche ressemblant à une marche bavaroise. Au commandement « Halte ! » de l’enfant, le frappeur cessa. L’enfant dit alors « Frappe trois, six, neuf fois » et le frapper exécuta l’ordre. Sur un nouvel ordre de frapper 19 coups, 20 coups s’étant fait entendre, l’enfant, tout endormi, dit « Pas bien, ce sont 20 coups » et aussitôt, 19 coups furent comptés. Ensuite l’enfant demanda 30 coups, on entendit 30 coups.
Il vint alors à l’idée des assistants de commander eux-mêmes au frappeur, et il exécuta les ordres qu’ils lui donnèrent. Il se taisait au commandement de « Halte ! Silence ! Paix ». Les expérimentateurs essayèrent ensuite de poursuivre leur demandes, mais par la pensée. On se plaça devant le lit et l’expérimentateur pensa 6 coups. Aussitôt, 6 coups furent frappés. On commanda 4 coups par la pensée, 4 coups furent frappés.
L’enfant étendit les membres, rejeta la couverture et se leva. Il expliqua avoir vu un homme grand et de mauvaise mine qui se tenait devant son lit et lui serrait les genoux. Il ressentait une douleur aux genoux quand cet homme frappait. L’enfant s’endormit de nouveau et les mêmes manifestations se reproduisirent jusqu’au moment où la pendule de la chambre sonna onze heures. Tout à coup, le frappeur se tut, l’enfant rentra dans un sommeil tranquille avec une respiration régulière. Ce soir là, plus rien ne se fit entendre.
Le 25 février, l’enfant tout endormi dit : « Tu ne veux plus frapper maintenant, tu veux gratter, eh bien ! Je veux voir comment tu feras. » Et, en effet, le lendemain 26, au lieu de coups frappés, on entendit un grattement qui paraissait venir du lit et qui s’est manifesté jusqu’à ce jour. Les coups se mêlèrent au grattement, en alternant ou simultanément. Selon la demande, le frappeur indique l’heure du jour, l’âge des personnes présentes par des grattements ou des coups secs. A l’égard de l’âge des personnes, il y a quelquefois erreur, mais elle est rectifiée à la 2e ou 3e fois lorsque l’on dit que le nombre de coups frappés n’est pas bon. Dans un premier temps, l’esprit se manifestait par des coups ou des grattements sur les meubles, de manière spontanée ou en réponse à des questions, pendant le sommeil de l’enfant ou à l’état de veille.
Evolution des manifestations physiques : déplacement et/ou modification d’objets
Les manifestations physique prirent une autre tournure, bientôt, les gens furent témoins de déplacement d’objets spontanés : mobilier, linge, fenêtres, etc. Les objets étaient déplacés parfois avec une grande violence et l’état des objets pouvait être également modifié :
Par exemple, un fer à repasser du poids de six livres environ avait été un jour jeté à travers la chambre ; la poignée avait été enlevée et on la retrouva sur une chaise dans la chambre à coucher.
Maintes fois, la chandelle allumée, placée sur la table de travail, fut soufflée. Les coups et les grattements alternaient avec cette démonstration de mobilier.
Un soir, une chaise, où Philippine s’était assise, bougea, tournoya sur elle-même selon les demandes des participants. Ils rendirent compte les jours suivant, que cette chaise paraissait beaucoup plus légère que d’habitude, comme si une force invisible la soutenait.
Parfois, ces déplacements étaient effectués en réponse à des ordres ou à des demandes. Au commandement de « Balancez le lit ou bercez l’enfant, le lit allait et venait, en long et en large. Plus tard, ils eurent l’idée d’accrocher une sonnette au lit, qui se mit aussitôt à tinter et à s’agiter. Ce qu’il y eut de plus curieux dans cette circonstance, c’est que, le lit pouvait être soulevé et déplacé mais la sonnette elle pouvait au contraire rester immobile et muette.
Modifications des propriétés magnétiques des objets
D’autres manifestations succédèrent au déplacement de mobilier.
Le 26 Octobre, plongée dans le sommeil magnétique Philippine Senger présenta la « capacité » de retenir n’importe quel objet « collé » à sa main, sans le tenir, qu’elle qu’en soit la matière ou le poids. Plusieurs expériences ont ainsi été effectuées avec du papier, des clefs, des pièces de porte-monnaie, des porte-cigares, des montres, des anneaux d’or et d’argent et même un sabre au bout d’un ceinturon (pesant environ 4 livres). Tous sans exception restaient suspendus à sa main. Cette propriété magnétique se communiquait par le simple contact des mains aux personnes susceptibles de la transmission du fluide, toutefois, les auteurs n’ont pas rapporté plus de détails sur ce type de manifestation ni sur les expériences qu’ils ont sans doute mené sur le sujet.
Manifestations « intelligentes », médiumnité de Philippine Senger
Lors des séances, la jeune somnambule appelait tous les participants près de son lit et leur demandait de lui transmettre un objet. Elle examinait les objets les yeux fermés et à la fin de chaque séance rendait chaque objet à son propriétaire sans jamais se tromper. Si quelqu’un tendait la main pour prendre un objet qui ne lui appartenait pas, elle le repoussait.
A partir du 10 Novembre, l’esprit frappeur commença à s’adresser à des personnes de son propre chef. Une personne était désignée à l’aide d’un code (grattement, coup sec) pour laquelle il pouvait par exemple jouer un morceau de musique, etc.
Plus tard, de part les réactions l’esprit aux commandements qu’il pouvait recevoir, les participants remarquèrent que lorsque l’esprit répondait d’un coup sec, cela voulait dire « oui », tandis qu’un grattement signifiait « non ».
A l’anniversaire du jour où l’esprit frappeur s’était manifesté pour la première fois, une nouvelle manifestation s’ajouta aux précédents : le cri d’un oiseau. A cette époque, Philippine Senger parlait souvent dans son sommeil d’un oiseau ressemblant à un perroquet et se tenant au pied du lit, criant et donnant des coups de becs contre le mur.
Quelques temps avant Noël, Philippine fut plus agitée que d’habitude, durant son sommeil, elle sourit, puis joignant les mains, pleurait, avec une attitude suppliante. A son réveil, l’enfant était très abattue et pouvait à peine lever les bras. Elle finit par expliquer qu’elle avait vu conduire et crucifier le Christ sur le Golgotha, que la douleur des saintes femmes prosternées au pied de la croix et le crucifiement avaient produits sur elle une impression qu’elle ne pouvait rendre, etc.
En peu de temps, l’état de Philippine Senger changea de façon à donner des inquiétudes sur sa santé, car à l’état de veille elle divaguait et rêvait tout haut ; ne reconnaissant ni sa mère, son père, sa sœur, ni personne d’autre. Cet état s’aggrava par une surdité complète pendant quinze jours. Parfois elle recouvrait l’ouïe, ce dont elle se montrait heureuse. Elle prédisait elle-même le moment où la surdité devait la prendre et la quitter. Pendant son apparente surdité, l’enfant présentait d’autres caractéristiques, son visage prenait une expression de stupidité qu’il perdait aussitôt qu’elle était rentrée dans son état normal. Rien alors ne faisait impression sur elle : elle se tenait assise, regardant les personnes présentes d’un œil fixe sans les reconnaître. Dans cette situation, elle restait quelquefois plus d’une heure et demie immobile sur son lit.
Elle écrivit une fois dans une langue qu’elle ne connaissait pas à l’état de veille et qu’aucun participant aux séances ne reconnut.
Interprétation des auteurs de la revue spirite
Seule la doctrine spirite peut fournir une explication de ces phénomènes. Il y a ici des effets matériels d’une nature non équivoque qui ont eu un grand nombre de témoins. En examinant la chose au point de vue spirite, il demeure évident que l’esprit qui s’est manifesté était inférieur à celui de l’enfant, puisqu’il lui obéissait ; il était même subordonné aux assistants, qui eux aussi, pouvaient le commander.
Si nous ne savions pas que les Esprits dits « frappeurs » sont au « bas de l’échelle », ce qui s’est passé en serait une preuve. On ne concevrait pas, en effet, qu’un Esprit élevé, pas plus que nos savants et nos philosophes, vînt s’amuser à battre des marches et des valses, à jouer en un mot, le rôle de jongleur, ni se soumettre aux caprices d’êtres humains. De plus, l’esprit s’est présenté sous les traits d’un homme de mauvaise mine, circonstance qui ne peut que corroborer cette opinion ; le moral se reflétant en général sur l’enveloppe. Il est donc avéré pour nous que le frappeur de Bergzabern est un esprit inférieur, de la classe des esprits légers, qui s’est manifesté comme tant d’autres l’ont fait et le font tous les jours.
Les raisons de sa venue n’ont toutefois pas été éclaircies. Il n’a rien fait qui dévoilât de la méchanceté ou une mauvaise intention. Cet esprit n’était donc ni mauvais, ni malveillant ; c’était simplement un de ces esprits si nombreux dont nous sommes sans cesse entourés à notre insu. Il a pu agir en cette circonstance par un simple effet de son caprice, comme aussi il a pu le faire à l’instigation d’Esprits élevés en vue d’éveiller l’attention des hommes et de les convaincre de la réalité d’une puissance supérieure en dehors du monde corporel.
Philippine Senger était comme on le voit, un médium naturel très complexe ; outre l’influence qu’elle exerçait sur les phénomènes bien connus des bruits et mouvements, elle était somnambule extatique. Elle conversait avec des êtres incorporels qu’elle voyait ; elle voyait en même temps les assistants, et leur adressait la parole, mais ne leur répondait pas toujours, ce qui prouve qu’à certains moments, elle était isolée. Il est probable que dans ces moments d’extase, l’esprit de l’enfant se trouvait transporté dans quelque contrée lointaine, où il assistait, peut-être en souvenir, à une cérémonie religieuse.
Si l’on observe ce qu’il se passait pendant la surdité, on y reconnaîtra sans peine un état cataleptique. Puisque cette surdité n’était que temporaire, il est évident qu’elle ne tenait point à l’altération des organes de l’ouïe. Il en est de même de l’oblitération momentanée des facultés mentales, oblitération qui n’avait rien de pathologique, puisque, à un instant donné, tout rentrait dans l’état normal. Cette sorte de stupidité apparente tenait à un dégagement plus complet de l’âme, dont les excursions se faisaient avec plus de liberté, et ne laissaient aux sens que la vie organique.