Ce mois-ci, nous vous présentons une expérience médiumnique réalisée dans une langue étrangère : Jeu de mots. Dans le très bel ouvrage d’Ernest Bozzano, La Médiumnité polyglotte, divers cas sont consacrés au médium Florizel Von Reuter, assisté de sa mère, Grace. En s’aidant d’un appareil appellé l’Additor, le fils et la mère ont obtenu d’impressionnantes communications dans des langues qui leur étaient totalement inconnues.
Le père de Dorothy
A la séance du 11 août 1926, Dorothy, une jeune fille, née en Russie mais qui avait émigré en Amérique quand elle avait 2 ans et qui n’avait toujours entendu parler chez elle que l’anglais et l’hébreu, a la surprise d’entendre une entité s’exprimer en russe.
Après quelques phrases russes, dans lesquelles Dorothy reconnaît à peine un ou deux mots, l’entité, satisfaite d’avoir assez intrigué, se met à parler en anglais pour demander à Dorothy de faire traduire ce qui a été dit par « Ma », autrement dit par la mère de Dorothy. L’entité avait bien dit, déjà par 2 fois, en russe, être le père de Dorothy (père se disant « Ahtayts » en russe). C’est après ces quelques mots en anglais que la jeune fille reconnaît bien là l’humour de son défunt père.
Peetakt, ou paysakt
Dix jours plus tard, le 21 août, une autre jeune fille qui a vécu en Russie peut assister à une séance. La veille, Nicolo (Paganini) L’Esprit guide de Florizel écrit par sa main :
- Je demanderai à un autre russe de mes amis d’écrire dans sa langue. Je ne puis promettre qu’il le fera, mais je l’espère.
Le soir en question, on assiste à un véritable échange linguistique qu’il serait bien difficile d’inventer. Lorsque, ce soir-là, nous nous sommes disposés à essayer, Nicolo ouvrit la séance en écrivant par ma main :
- Mon ami est ici. C’est lui qui commencera à écrire ; mon tour viendra ensuite.
Ma mère a pris alors l’additor, dont l’aiguille a dicté aussitôt :
- Dois-je écrire en allemand, ou bien en russe ?
J’ai répondu que l’on désirait qu’il écrivît en russe, et aussitôt on nous dicta Dobry vecher ce qui signifie bonsoir.
Le mot suivant fut donné alors Pahnemayeti ; Melle Blumfeld expliqua que cela signifiait me comprenez-vous ?
La phrase suivante vint ensuite Y mne zdes nrah veetsa ; ceci veut dire : je suis heureux de me trouver avec vous ce soir.
Après cela, on dicta quelque chose que j’ai transcrit ainsi : Ya peetakt.
Melle B. nous répondit :
- Je ne connais pas ce dernier mot.
- Il signifie heureux.
Melle B. rajoute :
- Il me semble bien que le mot russe pour heureux est Schastleevy.
- Ya ooveren ftomshta gahvaryoo. (Je sais ce que je dis).
- En tout cas, je n’ai jamais entendu ce terme.
- Neecheevo (N’importe).
- Prahsteete (Excusez-moi).
- Poznah. (C’est tard).
- Je ne me souviens pas du mot Poznah.
- Kakoisram ! (Quelle honte !) Oostal. (Je suis fatigué).
On écrivit alors Spakoini nochee.
Je m’écriai :
- Oh, cela signifie bonne nuit parce que le père Stanislow l’a écrit aussi.
Puis, en m’adressant à la personnalité qui se communiquait, je dis :
- Nous vous remercions vivement de votre visite et de ce que vous avez écrit.
- Ochen blagahdahren (Je vous en sais bon gré).
Il y eut une pause. Je pris alors en main le crayon et Nicolo écrivit aussitôt :
- Il est très fatigant pour un Esprit d’écrire en une langue ignorée du médium. (Effectivement, cela demande beaucoup de fluides pour pouvoir réalisé ce type de manifestation.)
L’additor se remit en mouvement en dictant poznah (C’est tard).
Melle Blumfeld s’écria :
- C’est merveilleux ! J’avais complètement oublié ce terme, mais sa traduction m’en a fait souvenir.
Je demandai alors :
- Que signifia peetakt ?
- Comme vous prononcez ce mot ! Paysakt veut dire heureux ou joyeux.
- Qui êtes-vous ?
- Le traducteur.
De toute façon, nous ne sommes point parvenus à déterminer la signification du mot peetakt, ou paysakt ce soir-là. Si c’était paytakt, cela voudrait dire petite pièce de monnaie.
Le 12 septembre, on a eu une suite inattendue de la même conversation. J’avais travaillé toute la journée pour préparer un exemplaire de divers messages à envoyer au docteur Walter Prince afin qu’il les examine scientifiquement. Il y avait entre autres le message ci-dessus. Ce soir-là, l’additor écrivit :
- Je dois vous parler d’un sujet qui vous intéresse. Je connais le russe, mais pas le mot peetakt. Félicité se dit Schastleevy. Probablement, le mot est cheetakt, qui signifie lire. Takt tout seul signifie ainsi. J’ai pensé qu’il te fera plaisir d’être informé de cela avant d’envoyer la lettre à sa destination. Bonsoir. »
Ce n’est que plus tard qu’on suggérera à Florizel que le mot inconnu était probablement « deelakt » qui signifie « satisfait », ce qui expliquerait bien l’échange. En tout cas, on voit bien que, même si les phrases sont simples, on peut difficilement évoquer la tricherie quand l’entité répond au fur et à mesure aux questions posées tout en se permettant des commentaires inattendus comme « je sais ce que je dis » ou « quelle honte ! »
La prouesse est d’autant plus remarquable que l’additor a un alphabet latin, si bien que les lettres russes n’y figurent pas. Il faut donc que la psychographie passe par une forme télépathico-auditive pour que la médium perçoive le son des paroles transmises et les retranscrive phonétiquement sur l’alphabet latin. Et que dire du message spontané transmis par l’additor pour repréciser certains mots avant que la lettre ne parte pour un examen scrupuleux par le docteur Walter Prince ?
Bozzano met aussi en évidence la bonne volonté des entités qui, comme Nicolo, font preuve d’initiatives pour « prouver ainsi à l’expérimentateur tourmenté par le doute, que leur présence spirituelle sur place n’était pas une hypothèse de travail, mais un fait positivement constaté, grâce au phénomène de la médiumnité polyglotte, qui neutralisait et éliminait toutes les hypothèses naturelles. »