Ce mois-ci, nous vous présentons les communications d'Allan Kardec. Suite à une recherche réalisée par un internaute, nous vous présentons les divers messages reçus d'Allan Kardec, après sa désincarnation par différents médiums. Ils sont tirés de la revue spirite de 1869 et 1874.
Avril 1869, à la société de Paris
"Comment vous remercier, messieurs, de vos bons sentiments et des vérités éloquemment exprimées sur ma dépouille mortelle ; vous ne pouvez en douter, j'étais présent et profondément heureux, touché de la communion de pensée qui nous unissait de cœur et d'esprit.
Merci, mon jeune ami (M. C. Flammarion), merci de vous être affirmé comme vous l'avez fait ; vous vous êtes exprimé avec chaleur ; vous avez assumé une responsabilité grave, sérieuse, et cet acte d'indépendance vous sera doublement compté ; vous n'aurez rien perdu à dire ce que vos convictions et la science vous imposent. En agissant ainsi, vous pourrez être discuté, mais vous serez honoré à juste titre.
Merci, à vous tous, chers collègues, mes amis ; merci au journal Paris, qui commence un acte de justice, par l'article d'un brave et digne cœur.
Merci cher vice-président ; MM. Delanne et E. Muller, recevez l'expression de mes sentiments de vive gratitude, vous tous qui serriez affectueusement aujourd'hui, la main de ma courageuse compagne.
Comme homme, je suis bien heureux des bons souvenirs et des témoignages de sympathie que vous me prodiguez ; comme spirite, je vous félicite des déterminations que vous avez prises pour assurer l'avenir de la doctrine ; car, si le Spiritisme n'est point mon œuvre, je lui ai, du moins, donné tout ce que les forces humaines m'ont permis de lui donner. C'est comme collaborateur énergique et convaincu, comme champion de tous les instants, de la grande doctrine de ce siècle, que je l'aime, et que je serais malheureux de la voir périr si la chose était possible.
J'ai entendu, avec un sentiment de profonde satisfaction, mon ami, votre nouveau et digne président, vous dire : « Agissons de concert ; allons réveiller les échos, qui depuis longtemps ne raisonnent plus ; allons raviver ceux qui résonnent ! Que ce ne soit pas Paris, que ce ne soit pas la France qui soient le théâtre de votre action ; allons partout ! Donnons à l'humanité entière la manne qui lui fait défaut ; donnons-lui l'exemple de la tolérance qu'elle oublie, de la charité qu'elle connaît si peu ! »
Vous avez agi pour assurer la vitalité de la Société ; c'est bien. Vous avez le désir sincère de marcher avec fermeté dans le sillon tracé, c'est encore bien ; mais il ne suffit pas de vouloir aujourd'hui, demain, après-demain ; pour bien mériter de la doctrine, il faut vouloir toujours ! La volonté, qui agit par secousse, n'est plus de la volonté ; c'est le caprice dans le bien ; mais, quand la volonté s'exerce avec le calme que rien ne trouble, avec la persévérance que rien n'arrête, elle est la véritable volonté, inébranlable dans son action, fructueuse dans ses résultats.
Soyez confiants dans vos forces ; elles produiront de grands effets si vous les employez avec prudence ; soyez confiants dans la force de l'idée qui vous réunit, car elle est indestructible. On peut en activer ou en retarder le développement, mais l'arrêter est chose impossible.
Dans la phase nouvelle où nous entrons, l'énergie doit remplacer l'apathie ; le calme doit remplacer la fougue. Soyez tolérants les uns envers les autres ; agissez surtout par la charité, l'amour, l'affection. Oh ! si vous connaissiez toute la puissance de ce levier ! C'est de celui-là qu'Archimède eût pu dire, qu'avec lui on soulèverait le monde ! Vous le soulèverez, mes amis, et cette transformation splendide, qui s'effectuera par vous au profit de tous, marquera l'une des plus merveilleuses périodes de l'histoire de l'humanité.
Courage donc et espérance. L'espérance !… ce flambeau, que vos frères malheureux ne peuvent apercevoir à travers les ténèbres de l'orgueil, de l'ignorance et du matérialisme, ne l'éloignez pas encore davantage de leurs yeux. Aimez-les ; faites qu'ils vous aiment, qu'ils vous écoutent, qu'ils regardent ! Quand ils auront vu, ils seront éblouis.
Que je serai heureux alors, mes amis, mes frères, de voir que mes efforts n'auront pas été inutiles, et que Dieu lui-même aura béni notre œuvre ! Ce jour-là, il y aura dans le ciel une grande joie, une grande ivresse ! L'humanité sera délivrée du joug terrible des passions qui l'enchaînent et pèsent sur elle d'un poids écrasant. Il n'y aura plus alors, sur la terre, ni mal, ni souffrance, ni douleur ; car, les vrais maux, les souffrances réelles, les douleurs cuisantes viennent de l'âme. Le reste n'est que le frôlement fugitif d'une ronce sur un vêtement !…
A la lueur de la liberté et de la charité humaines, tous les hommes se reconnaissant, diront : « Nous sommes frères » et ils n'auront plus au cœur qu'un même amour, dans la bouche, qu'une seule parole, sur les lèvres, qu'un seul murmure : Dieu !"
30 avril 1869, à la société de Paris
"Je viens ce soir, mes amis, vous parler quelques instants. A la dernière séance je n'ai pas répondu, j'étais occupé ailleurs. Nos travaux comme Esprits sont beaucoup plus étendus que vous ne pouvez le supposer, et les instruments de nos pensées ne sont pas toujours disponibles. J'ai encore quelques conseils à vous donner sur la marche que vous devez suivre vis-à-vis du public, dans le but de faire progresser l'œuvre à laquelle j'avais voué ma vie corporelle et dont je poursuis le perfectionnement dans l'erraticité.
Ce que je vous recommanderai d'abord et surtout, c'est la tolérance, l'affection, la sympathie à l'égard les uns des autres, et aussi à l'égard des incrédules.
Lorsque vous voyez dans la rue un aveugle, le premier sentiment qui s'impose à vous est la compassion ; qu'il en soit de même pour vos frères dont les yeux sont clos et voilés par les ténèbres de l'ignorance ou de l'incrédulité ; plaignez-les avant de les blâmer. Montrez, par votre douceur, votre résignation à supporter les maux de cette vie, votre humilité au milieu des satisfactions, des avantages et des joies que Dieu vous envoie, montrez qu'il y a en vous un principe supérieur, une âme obéissant à une loi, à une vérité supérieure aussi : le Spiritisme.
Les brochures, les journaux, les livres, les publications de toutes sortes sont des moyens puissants d'introduire partout la lumière, mais le plus sûr, le plus intime et le plus accessible à tous, c'est l'exemple dans la charité, la douceur et l'amour.
Je remercie la Société de venir en aide aux infortunes véritables qui lui sont signalées. Voilà de bon Spiritisme, voilà de la vraie fraternité. Être frères : c'est avoir les mêmes intérêts, les mêmes pensées, le même cœur !
Spirites, vous êtes tous frères dans la plus sainte acception du terme. En vous priant de vous aimer les uns les autres, je ne fais que rappeler la divine parole de celui qui, il y a dix-huit cents ans apporta sur la terre le premier germe de l'égalité. Suivez sa loi, elle est la vôtre ; je n'ai fait que rendre plus palpables quelques-uns de ses enseignements. Obscur ouvrier de ce maître, de cet Esprit supérieur émané de la source de lumière, j'ai reflété cette lumière comme le ver luisant reflète la clarté d'une étoile. Mais l'étoile brille aux cieux, le ver luisant brille sur terre dans les ténèbres, telle est la différence.
Continuez les traditions que je vous ai laissées en vous quittant.
Que le plus parfait accord, la plus grande sympathie, la plus sincère abnégation règnent au sein du Comité. Il saura, je l'espère, remplir avec honneur, fidélité et conscience, le mandat qui lui est confié.
Ah ! Quand tous les hommes comprendront tout ce que renferment les mots amour et charité, il n'y aura plus sur terre ni soldats ni ennemis, il n'y aura plus que des frères ; il n'y aura plus de regards irrités et farouches, il n'y aura que des fronts inclinés vers Dieu !
Au revoir, chers amis, et merci encore au nom de celui qui n'oublie pas le verre d'eau et l'obole de la veuve."
20 juin 1869, à la société de Paris
"Depuis de longs siècles les humanités poursuivent uniformément leur marche ascendante à travers le temps et l'espace. Chacune parcourt, étape par étape, la route du progrès, et si elles diffèrent par les moyens infiniment variés que la Providence a mis entre leurs mains, elles sont toutes appelées à se fusionner, à s'identifier dans la perfection, puisque toutes elles partent de l'ignorance et de l'inconscience d'elles-mêmes pour se rapprocher indéfiniment d'un même but : Dieu ; pour atteindre au bonheur suprême par la connaissance et l'amour.
Il en est des univers et des mondes comme des peuples et des individus. Les transformations physiques de la terre qui nourrit le corps, peuvent se diviser en deux modes, de même que les transformations morales et intelligentes qui élargissent l'esprit et le cœur.
La terre se modifie par la culture, par le défrichement et les efforts persévérants de ses possesseurs intéressés ; mais à ce perfectionnement incessant, doivent s'ajouter les grands cataclysmes périodiques qui sont pour le régulateur suprême, ce que sont la pioche et la charrue pour le laboureur.
Les humanités se transforment et progressent par l'étude persévérante et par l'échange des pensées. En s'instruisant, en instruisant les autres, les intelligences s'enrichissent, mais des cataclysmes moraux régénérant la pensée sont nécessaires pour déterminer l'adoption de certaines vérités.
On s'assimile sans secousse et progressivement les conséquences des vérités adoptées ; il faut un concours immense d'efforts persévérants pour faire accepter de nouveaux principes. On marche lentement sans fatigue sur une route plane ; il faut réunir toutes ses forces pour gravir un sentier agreste et renverser les obstacles qui surgissent. C'est alors que, pour avancer, l'homme doit nécessairement briser la chaîne qui l'attache au pilori du passé, par l'habitude, la routine et le préjugé ; sinon l'obstacle reste toujours debout, et l'on tourne dans un cercle sans issue, jusqu'à ce qu'on ait compris que pour vaincre la résistance qui ferme la route de l'avenir, il ne suffit pas de briser des armes vieillies et ébréchées, mais qu'il est indispensable d'en créer d'autres.
Détruire un navire qui fait eau de toutes parts avant d'entreprendre une traversée maritime, est une œuvre de prudence, mais encore faut-il, pour accomplir le voyage, se créer de nouveaux moyens de transport. Voilà cependant où en sont actuellement un certain nombre d'hommes de progrès dans le monde moral et philosophique comme dans les autres mondes de la pensée ! Ils ont tout sapé, tout attaqué ! Les ruines se font partout, mais ils n'ont pas encore compris que sur ces ruines, il faut élever quelque chose de plus sérieux qu'une libre pensée et une indépendance morale, indépendantes seulement de la morale et de la raison. Le néant sur lequel ils s'appuient n'est un mot bien profond que parce qu'il est bien creux. Dieu n'a pas plus créé les mondes de rien que l'homme ne peut se créer de nouvelles croyances sans bases. Ces bases sont dans l'étude et l'observation des faits.
La vérité éternelle, comme la loi qui la consacre, n'attend pas pour exister le bon plaisir des hommes ; elle est et gouverne l'univers en dépit de ceux qui ferment les yeux pour ne point la voir. L'électricité existait avant Galvani et la vapeur avant Papin, comme la croyance nouvelle et les principes philosophiques de l'avenir existent avant que les publicistes et les philosophes ne les aient consacrés.
Soyez des pionniers persévérants et infatigables !… Si l'on vous traite de fous comme Salomon de Caus, si l'on vous repousse comme Fulton, marchez toujours, car le temps, ce juge suprême, saura faire sortir des ténèbres ceux qui alimentent le phare qui doit, un jour, éclairer toute l'humanité.
Sur la terre, le passé et l'avenir sont les deux bras d'un levier qui a le présent pour point d'appui. Tant que la routine et les préjugés ont cours, le passé est à l'apogée. Dès que la lumière se fait, la bascule joue, et le passé, qui obscurcit, disparaît pour laisser surgir l'avenir qui rayonne."
14 septembre 1869, à la société de Paris
"Le Spiritisme est de sa nature modeste et peu bruyant ; il existe par la toute-puissance de la vérité et non par le bruit soulevé autour de lui par ses adversaires ou ses partisans. Utopie ou rêve d'une imagination désordonnée, après un succès d'un jour, il fût tombé sous la conspiration du silence ou mieux encore sous celle du ridicule qui, à ce qu'on prétend, tue tout en France. Mais le silence n'anéantit que les œuvres sans consistance et le ridicule ne tue que ce qui est mortel. Si le Spiritisme a vécu, bien qu'il n'ait rien fait pour échapper aux pièges de toute nature qui lui ont été tendus, c'est qu'il n'est l'œuvre ni d'un homme, ni d'un parti, c'est qu'il est le résultat de l'observation des faits et de la coordination méthodique des lois universelles. En supposant que ses adhérents humains disparaissent, que les ouvrages qui l'érigent en corps de doctrine soient anéantis, il survivrait encore et aussi longtemps qu'il existera des mondes et des lois pour les régir.
On est matérialiste, catholique, musulman ou libre penseur, de par sa volonté ou sa conviction ; il suffit d'exister sinon pour être spirite, du moins pour subir le Spiritisme. Penser, réfléchir, vivre, c'est en effet faire acte de spirite, et quelque singulière que paraisse cette prétention, elle sera promptement justifiée après quelques minutes d'examen pour ceux qui admettent une âme, un corps, et un intermédiaire entre cette âme et ce corps, pour ceux qui, ainsi que Pascal et Louis Blanc, considèrent l'humanité comme un homme qui vit toujours et qui apprend sans cesse ; pour ceux qui, comme la Liberté, acceptent qu'un homme puisse vivre successivement dans deux siècles différents et exercer sur les institutions et la philosophie de son temps une influence de même nature.
Qu'on soit convaincu ou non, penser, écouter la voix intérieure de la méditation, n'est-ce pas faire acte de spirite, si réellement il existe des Esprits ? Vivre, c'est-à-dire respirer, n'est-ce pas faire subir au corps une impression transmise à l'Esprit par l'intermédiaire du périsprit ? Admettre ces trois principes constitutifs de l'être humain, c'est admettre une des bases fondamentales de la doctrine, c'est être spirite, ou du moins, c'est avoir un point de contact avec le Spiritisme, une croyance commune avec les spirites.
Entrez chez nous ouvertement ou par la porte dérobée, messieurs les savants, eh ! Que nous importe !… pourvu que vous entriez. La doctrine pénètre en vous désormais, et, comme la tache d'huile, elle s'étend et s'agrandit sans cesse. Vous êtes à nous, car la science humaine entre à pleines voiles dans la voie philosophique, et la philosophie spirite admet toutes les conclusions rationnelles de la science. Sur ce terrain commun, que vous le vouliez ou non, que vous appeliez vos concessions d'un nom quelconque, vous êtes avec nous et la forme nous est indifférente si le fond est le même.
Vous êtes bien près de croire et surtout de convaincre, monsieur de Girardin, qui trouve habile d'emprunter au Spiritisme ses mots, ses formes et ses principes fondamentaux pour intéresser vos lecteurs ! Et vous tous, poètes, romanciers, littérateurs, n'êtes-vous pas un peu spirites, lorsque vos personnages rêvent à un passé qu'ils n'ont jamais connu, lorsqu'ils reconnaissent les lieux qu'ils n'ont jamais visités, lorsque la sympathie ou la répulsion naissent entre eux du premier contact. Vous faites, sans doute, du Spiritisme, comme les machinistes font de la féerie ; c'est pour vous peut-être un truc, une mise en scène, un cadre. Que nous importe ! Vous n'en popularisez pas moins des enseignements qui trouvent de l'écho partout, car beaucoup pressentent et subissent, sans pouvoir les définir, ces convictions sur lesquelles vos plumes savantes ou poétiques viennent jeter la lumière de l'évidence. C'est une source féconde que le Spiritisme, messieurs ! C'est la Golconde inépuisable qui enrichit l'esprit et le cœur des écrivains qui l'exploitent et de ceux qui lisent leurs productions ! Merci ! Messieurs, vous êtes nos alliés, sans le vouloir, sans le savoir peut-être, mais nous vous laissons juges de vos intentions pour n'apprécier que les résultats.
On se plaignait de la pénurie des instruments de convictions ; le nombre des médiums diminuait ; leur zèle se refroidissait ; mais aujourd'hui, n'est-ce pas le poète à la mode, le littérateur dont on s'arrache les œuvres, le savant chargé d'éclairer les intelligences, qui popularisent et qui répandent partout la conviction ?
Ah ! ne craignez plus pour l'avenir du Spiritisme ! Enfant, il a échappé à toutes les étreintes de l'ennemi ; adolescent, et adopté bon gré mal gré par la science et la littérature, il ne cessera sa marche envahissante que lorsqu'il aura inscrit dans tous les cœurs, les principes régénérateurs qui rétabliront la paix et l'harmonie partout où règnent encore le désordre et les dissensions intestines."
14 septembre 1869, chez Anna Blackwell
"Je suis plus heureux que vous ne sauriez croire, mes bons amis, de vous trouver réunis. Je suis au milieu de vous, dans une atmosphère sympathique et bienveillante qui satisfait à la fois mon esprit et mon cœur.
Depuis longtemps, j'eusse vivement désiré voir des relations régulières s'établir entre l'école française et l'école américaine. Pour nous entendre, mon Dieu, il faudrait simplement nous voir et nous communiquer nos opinions. J'ai toujours considéré votre salon, chère demoiselle, comme un pont jeté entre l'Europe et l'Amérique, entre la France et l'Angleterre, et qui contribuerait puissamment à supprimer les divergences qui nous séparent et à établir en un mot, un courant d'idées communes d'où surgiraient, dans l'avenir, la fusion et l'unité.
Cher monsieur Peebles, permettez-moi de vous féliciter de votre vif désir d'entrer en relation avec nous. Nous ne devons pas nous souvenir si nous sommes des spirites ou des spiritualistes. Nous serons les uns pour les autres, des hommes, des Esprits qui cherchent consciencieusement la vérité et qui l'accueilleront avec reconnaissance, qu'elle résulte des études françaises ou des études américaines.
Les Esprits de l'espace conservent leurs sympathies et leurs habitudes terrestres. Les Esprits des Américains morts sont encore des Américains, comme les désincarnés qui ont vécu en France sont encore Français dans l'espace. De là, la différence des enseignements dans certains centres. Chaque groupe d'Esprits, par sa nature même, par esprit national, approprie ses instructions au caractère, au génie spécial de ceux à qui il parle. Mais de même que, sur terre, les barrières qui séparent les nationalités tendent à disparaître, de même, dans l'espace, les caractères distinctifs s'effacent, les nuances se confondent et, dans un temps à venir, moins éloigné que vous ne le supposez, il n'y aura plus sur terre comme dans l'espace, ni Français, ni Anglais, ni Américains, mais des hommes et des Esprits, fils de Dieu au même titre, et aspirant par toutes leurs facultés, au progrès et à la régénération universelle.
Messieurs, je salue ce soir, dans cette réunion, l'aurore d'une fusion prochaine entre les diverses écoles spirites, et je me félicite de compter M. Peebles, au nombre des hommes sans préventions, dont le concours et la bonne volonté assureront la vitalité de nos enseignements dans l'avenir et leur universelle vulgarisation.
Traduisez mes ouvrages ! On ne connaît en Amérique que les arguments contre la réincarnation ; lorsque les démonstrations en faveur de ce principe y seront populaires, le Spiritisme et le Spiritualisme ne tarderont pas à se confondre et deviendront par leur fusion, la philosophie naturelle adoptée par tous."
21 septembre 1869, à la société de Paris
"Il est chez tous les hommes du monde moderne une habitude digne d'éloges sans aucun doute et qui, par la force des choses, se verra certainement bientôt érigée en principe. Je veux parler des anniversaires et des centenaires !
Une date célèbre dans l'histoire de l'humanité, soit par une conquête glorieuse de l'esprit humain, soit par la naissance ou la mort des bienfaiteurs illustres dont le nom est inscrit en caractères ineffaçables au grand livre de l'immortalité, une date célèbre, dis-je, vient, chaque année rappeler à tous, que ceux-là seuls qui ont travaillé à améliorer le sort de leurs frères, ont droit à tous les respects, à toutes les vénérations. Les dates sanglantes se perdent dans la nuit des temps, et si on rappelle quelquefois encore avec orgueil les victoires d'un grand guerrier, c'est avec une profonde émotion qu'on se souvient de ceux qui ont cherché, par des armes plus pacifiques, à renverser les barrières qui séparent les nationalités. C'est bien, c'est digne, mais est-ce assez ? L'humanité sanctifie ses grands hommes ; elle le fait avec justice, et ses arrêts entendus au tribunal divin, sont sans appel, car c'est la conscience universelle qui les a rendus.
Peuple, l'admiration, le respect, la sympathie émeuvent ton cœur, échauffent ton esprit, excitent ton courage, mais il faut plus encore ; il faut que l'émotion que tu éprouves, trouve un écho chez tous les grands Esprits qui assistent invisibles et attendris à l'évocation de leurs généreuses actions ; il faut que ces derniers reconnaissent des disciples et des émules dans ceux qui font revivre leur passé. Souvenez-vous ! la mémoire du cœur est le sceau des Esprits progressifs appelés au baptême de la régénération, mais prouvez que vous comprenez le dévouement de vos héros de prédilection, en agissant comme eux, sur un théâtre moins vaste peut-être, mais tout aussi méritant, pour acquérir ou faire acquérir à ceux qui vous entourent, les principes de liberté, de solidarité et de tolérance, qui sont l'unique législation des univers.
Après cinq cents ans, Jean Huss vit dans la mémoire de tous, lui qui ne versa jamais que son propre sang pour la défense des libertés qu'il avait proclamées. Mais se souvient-on du prince qui, à la même époque, au prix de sacrifices énormes d'hommes et d'argent, tenta de s'emparer des possessions de ses voisins ? Se souvient-on des détrousseurs armés qui levaient contribution sur les voyageurs imprudents ? Cependant la célébrité s'est attachée au guerrier, au brigand et au philosophe ; mais le guerrier et l'assassin sont morts pour la postérité. Leur souvenir gît enfermé entre deux feuillets jaunis des histoires du moyen âge ; le penseur, le philosophe, celui qui a éveillé le premier l'idée du droit et du devoir, celui qui a remplacé l'esclavage et le joug par l'espérance de la liberté, celui-là vit dans tous les cœurs. Il n'a pas cherché son bien-être et sa gloire ; il a cherché le bonheur et la gloire de l'humanité à venir !
La gloire des conquérants s'éteint avec la fumée du sang qu'ils ont versé, avec l'oubli des pleurs qu'ils ont fait couler ; celle des régénérateurs grandit sans cesse, car l'esprit humain, grandissant lui-même, recueille les feuillets épars où sont inscrits les actes glorieux de ces hommes de bien.
Soyez comme eux, mes amis ; cherchez moins l'éclat que l'utile ; ne soyez pas du nombre de ceux qui combattent pour la liberté avec le désir de se mettre en vue ; soyez de ceux qui luttent obscurément, mais incessamment, pour le triomphe de toutes les vérités, et vous serez aussi de ceux dont la mémoire ne s'éteindra pas."
2 janvier 1870, par madame Gourdin de Genève
"Un léger nuage doré, tout rempli d'Esprits, s'approche de nous. Nous y remarquons Allan Kardec et un grand nombre d'autres récemment désincarnés. Chaque personnage adresse à ses parents et à ses amis des paroles encourageantes. Allan Kardec écrit sur la feuille d'un album : « Soyez courageux dans les difficultés de la vie et les pièges qui vous seront tendus. »
12 janvier 1870, à la société de Paris
"Le meilleur et, pour ainsi dire, l'unique instrument du progrès, c'est la solidarité. L'agent par excellence de la misère, du vice, du crime, c'est l'égoïsme. Depuis l'apparition de l'homme sur la terre, ces deux principes sont en présence. L'un, parti de l'infiniment petit, tend à se généraliser pour le plus grand bien de l'humanité ; l'autre qui régnait partout en maître, s'amoindrit chaque jour sous les efforts du premier.
A un moment donné, sur la terre, comme en tout autre monde d'ailleurs, l'esprit naît homme pour la première fois, il pénètre dans l'humanité. Ignorant tout des conditions nouvelles de son existence, partout il se heurte à l'inconnu, partout il trouble l'harmonie de la création, et souffre, par suite de ce trouble, dans son corps qui est blessé, et dans son âme qui ignore pourquoi ! Son unique désir, le but qu'il poursuit à tout instant, c'est naturellement de se préserver de tous périls. Il agit seul et il travaille pour lui seul, mais ses efforts isolés sont imparfaits, partant peu productifs. Combien de temps sera-t-il égoïste pour lui seul ? Combien de temps la solidarité sera-t-elle absolument absente de son Esprit ?...
Plus tard, le sentiment de la famille se développe en lui. Il combat non seulement pour lui-même, mais aussi pour sa compagne, pour ses enfants ; leurs périls sont ses périls ; leurs besoins sont ses besoins ; son égoïsme s'est amoindri, et souvent il songe à préserver sa famille avant de penser à lui-même. La solidarité est née en lui, car il souffre des souffrances des siens, il est heureux de leur bonheur.
Plus tard encore, il sent le besoin de s'unir à d'autres hommes, contre les dangers qui menacent son existence, sa santé, son bien-être ; il crée les germes de la société. Il reçoit l'appui de ses compagnons en échange de ses bons offices, leur communique ses découvertes et s'enrichit des leurs. La société naît, et avec elle se développe la solidarité entre quelques hommes. D'autres groupes se forment de la même manière, mais les uns nuisent aux autres. Il y a lutte entre les groupes habitant une même localité. L'égoïsme d'un groupe lutte contre celui du groupe voisin, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive qu'on peut s'entendre, réunir ses efforts, et travailler davantage et mieux, en travaillant solidairement.
C'est ainsi que s'élèvent les bourgades, les petites villes, les grands centres ; c'est ainsi que se créent les grandes nations ; c'est ainsi que naissent successivement de l'amour de soi, l'amour de la famille, celui de la cité, de la nation, de la contrée, de l'humanité, de l'univers entier. C'est ainsi que naîtra la solidarité universelle et que disparaîtront les vices, les crimes et les pénalités établies pour les réprimer.
Lorsqu'on s'apercevra qu'il y a solidarité entre les hommes en général, comme entre les individus vivant en contact; lorsqu'on comprendra que, dans une famille, dans un groupe d'amis, on souffre des souffrances de chacun et qu'on met le bonheur en commun, et quo, de même, la société, en général, souffre tout entière et dans chacun de ses membres, des déviations des individus qui la composent, la pénalité actuelle n'aura plus de raison d'être. Démontrez aux hommes qu'ils sont comme les gouttes d'eau qui composent la masse liquide d'un bassin ; que la cause qui provoque une perturbation dans un endroit particulier, la détermine aussi dans la masse en général, et le problème sera résolu.
L'homme est solidaire de l'homme, dans le passé, dans le présent et dans l'avenir. Apprenez à chacun qu'il a vécu et qu'il vivra ; que la route de la progression est ouverte à. tous les hommes de bonne volonté, et le niveau moral s'élevant sans cesse, il deviendra, avec le temps, inutile de supprimer la peine de mort, parce qu’il n'y aura plus d'assassins ! Combien de générations faudra-t-il pour cela ? Je l'ignore ! Mais c'est une œuvre d'avenir, et il sera à la gloire de notre siècle d'avoir pressenti et proclamé un principe applicable seulement dans les siècles futurs."
15 janvier 1870, à la société de Paris
"Du vivant de mon corps terrestre, j'ai eu maintes fois le désir de faire suivre de quelques réflexions une nouvelle semi-fantastique que j'ai lue dans un journal, il y a quelque quarante-cinq ans, et qui avait pour titre : Dans le royaume des aveugles, les borgnes sont.... pendus. On la dirait écrite à notre époque, tant il est vrai que les vérités sont de tous les temps. En voici le sujet, autant qu'il m'en souvient, car je me rappelle davantage l'idée que les paroles.
Deux amis partent en ballon pour faire une excursion aérostatique ; emportés plus loin qu'ils ne le pensaient, l'un d'eux qui ne se souciait pas d'errer davantage à l'aventure, se fait descendre à un endroit quelconque ; l'autre continue sa route au gré du vent qui le transporte dans une île inconnue du grand Océan. En descendant, le ballon s'embarrasse dans les arbres, et, en tombant, notre voyageur aérien se crève un œil. Le voilà borgne !....
Au bruit de sa chute, et à sa voix qui appelle du secours, une troupe d'hommes, de femmes et d'enfants l'entoure ; ils le touchent, le palpent des pieds à la tête, sans le regarder, comme pour reconnaître sa personne. Étonné de cette singulière manière d'aborder les gens, notre voyageur les examine plus attentivement ; il s'aperçoit alors qu'il a affaire à des aveugles !
- Qui êtes-vous et d'où venez vous, lui demande l'un d'eux, car à votre accent et à la forme de votre vêtement, nous reconnaissons que vous êtes étranger à ce pays ?
- En effet, dit-il, je viens de bien loin ; mon pays s'appelle la France ; le connaissez-vous ?
- Non ; ce doit être un pays bien arriéré, bien barbare, car nous n'en avons jamais entendu parler.
Et notre voyageur de s'étendre sur les usages, les coutumes, les mœurs de son pays natal. Il vante les progrès accomplis dans les sciences et l'industrie, et en particulier les nouvelles découvertes astronomiques, météorologiques, aérostatiques, et raconte enfin l'incident qui a terminé son voyage dans l'île.
Tant qu'il ne s'agissait que d'œuvres manuelles, mécaniques, nos aveugles, tout en se récriant sur l'étrangeté du récit qui leur était fait et dont ils ne pouvaient apprécier la véracité, ne manifestaient leur incrédulité que par leurs gestes et leur attitude. Mais dès que le malheureux aéronaute eut imprudemment abordé les arts, la peinture ; dès qu'il voulut parler de lumière, de couleurs, d'optique, les murmures succédèrent aux gestes et les exclamations aux murmures, de sorte qu'il ne put bientôt plus se faire entendre. C'était un fou, un insensé, disaient les uns ; un menteur, s'écriaient les autres. Qui avait jamais entendu parler de lumière, de couleurs et autres balivernes ? Que voulait dire cet inconnu lorsqu'il affirmait avoir vu toutes ces merveilles ? Qu'était-ce que voir ? On connaît la forme des objets au toucher ; on sait que des êtres animés s'approchent au bruit qu'ils font en se déplaçant ; on les reconnaît au son de leur voix ; mais comment pouvait-on les voir ? Celui qui propageait de pareilles doctrines ne pouvait être qu'un être privé de raison, ou un menteur ! Dans tous les cas, c'était un homme dangereux dont il fallait au plus vite se débarrasser ? Et voilà comment notre voyageur devenu borgne par suite de sa chute malheureuse, fut pendu pour avoir voulu parler couleur à des aveugles, et non couronné roi selon le dicton populaire.
Eh ! Ne reconnaissons-nous pas tous les jours quelle profonde vérité se cache sous cette apparente fiction. A chaque page de l'histoire ne voyons-nous pas des borgnes persécutés, torturés pour avoir tenté d'éclairer les aveugles. C'était un borgne parlant à des aveugles que Socrate enseignant l'immortalité aux Grecs et tous les grands hommes de l'antiquité mourant pour les vérités qu'ils avaient découvertes ! Et le Christ crucifié ! Et les Jean Huss, les Kepler, les Galilée, les Salomon de Caus, des borgnes qui ont tenté vainement pendant leur vie d'illuminer les esprits aveugles de leurs contemporains, et qui n'ont réussi à leur faire entrouvrir un œil qu'après avoir arrosé de leur sang et payé de leur vie les bienfaits dont ils dotaient l'humanité !
Aujourd'hui on ne pend plus, on ne torture plus physiquement les borgnes ; on respecte leur vie, mais on ridiculise leurs travaux. On rit des inventeurs ; on se moque des philosophes ; ce sont tous borgnes bons à pendre ! Des borgnes, les magnétiseurs et les somnambules ! Des borgnes, les spirites !
Raillez, messieurs les savants ; moquez-vous, incrédules sceptiques, matérialistes opiniâtres. La critique est facile, surtout lorsqu'elle n'est accompagnée ni d'études consciencieuses, ni de réfutations inattaquables.
Les critiques sont stériles aussi sont-elles bientôt condamnées à un profond oubli ! Tandis que les œuvres des borgnes surgissent, flambeaux éclatants, pour éclairer les générations futures enfin guéries de leur cécité séculaire.
Spirites, vous êtes encore aujourd'hui les borgnes au milieu des aveugles ! Ne vous étonnez donc pas, si vous excitez l'incrédulité des uns et les persécutions morales des autres. Laissez le temps faire son œuvre, et, sans vous préoccuper d'un présent passager, attendez de l'avenir la consécration des principes qui vous ont été enseignés."
25 février 1870, à la société de Paris
"Toutes les âmes partent de l'ignorance absolue pour arriver à la connaissance et à la perfection suprêmes. Toutes ont le même point de départ ; toutes ont le même but en perspective,
N'y a-t-il pas injustice à les voir suivre des routes différentes ? Ne peut-on croire que les unes sont privilégiées, tandis que les autres ont des sentiers plus arides à gravir ? Qui peut le supposer ? Celui qui se laisse guider par l'apparence ; mais si l'on pénètre au fond des choses ; si, placé de haut, on écarte le rideau sous lequel se dérobent les secrets des lois éternelles qui régissent les mondes, combien tout paraît grand, simple, juste, rationnel. Comme cette apparente injustice est féconde en résultats heureux pour l'humanité ; comme cette diversité de voies et de moyens devient un instrument actif et énergique de progrès !
Qui peut dire d'ailleurs où est le privilégié et où est le délaissé ? Est-ce cet homme aux apparences satisfaites qui sera le privilégié ? Est-ce ce misérable aux traits ravagés par les luttes de la vie qui sera le délaissé ? Mais, si sous le masque riant du premier, vous découvrez une conscience torturée par le remords, et si le visage amaigri et décharné du second, voile une âme triomphante des luttes de la vie, n'est-ce pas le premier qui sera délaissé par le bonheur et la tranquillité et le calme réel du second ne sera-t-il pas préférable à la sérénité fictive du premier ?...
Ecartons ces exemples auxquels on pourrait en opposer d'autres, pour examiner la réalité avec le sang-froid de la raison. Certes, si toutes les aptitudes de l'homme n'étaient pas mises en activité, si tous ne devaient pas passer par toutes les séries de la connaissance pour arriver à la perfection, il y aurait injustice de la part de Dieu, privilège pour ceux dont la route serait abrégée, dont les épreuves seraient moins nombreuses.
Mais si les luttes sont les mêmes pour tous, si les périls sont identiques, qu'importe pour la justice de Dieu que l'échelle parcourue ne soit pas disposée pour tous, absolument de la même manière. Si, par exemple, pour me servir d'une figure matérielle, vous êtes maçon, puis menuisier, et qu'un autre soit menuisier, puis maçon, vous n'en aurez pas moins passé par toutes les péripéties de l'apprentissage et de l'acquis ; vous n'en aurez pas moins les mêmes connaissances en maçonnerie et en menuiserie que celui qui aura suivi la voie inverse.
Soyez littérateur aujourd'hui, savant demain, ouvrier après-demain ; changez l'ordre : soyez d'abord ouvrier, puis savant et littérateur, et vous n'en aurez pas moins en définitive les mêmes acquis dans un cas comme dans l'autre, et vous aurez bénéficié par la diversité des voies, d'un échange de bons offices qui n'existerait pas si les routes parcourues étaient identiques.
Oui, M. P., ne vous en déplaise, les âmes sont égales à l'origine ; je l'ai dit sur la terre, et je le maintiens maintenant que je le sais mieux encore. Mais je n'ai pas eu la sotte présomption de déterminer l'endroit où l'âme commence. Et même aujourd'hui, je ne me permettrais pas de rien préciser à cet égard ; ce que j'affirme, ce qui est vrai, c'est que la diversité dont vous vous plaignez est la cause unique du progrès, impossible sans elle.
Il est beau de chercher au fond des questions philosophiques, et je vous félicite de vos études. Elles sont consciencieuses, et de leur persistance jaillira certainement, pour vous, la lumière et la vérité. Mais ne voyez pas injustice là où il y a seulement inconnu. Lorsque vous ne comprenez pas, cherchez ; en cherchant, vous apprendrez, et en sachant, vous respecterez et vous adorerez."
27 février 1870, à la société de Paris
" Il est à remarquer, dit-il, que malgré le positivisme affecté par la science médicale moderne, les meilleurs médecins sont forcés d'avouer que c'est un art conjectural. Comment se fait-il donc que l'étude si minutieuse que l'on a faite du mécanisme des organes, de leur composition chimique laisse autant d'incertitude sur la cause première et les moyens curatifs ? Quand une montre est dérangée, l'horloger trouve aisément le mal et le répare ; si notre corps n'était qu'une simple machine, pourquoi le médecin ne le réparerait-il pas quand il est détraqué, comme l'horloger répare la montre ? C'est qu'à côté du mécanisme visible et tangible, il y a un principe qui lui échappe, dont il ne connaît pas les lois et dont il ne tient pas compte. Ce principe, c'est l'élément spirituel.
Quand la médecine sera sortie de la voie exclusive où l'entraîne le principe matérialiste, une lumière toute nouvelle se fera pour elle et la guidera dans une infinité de cas où elle échoue. Le Spiritisme seul peut lui donner les moyens d'étudier l'action de l'élément spirituel sur l'économie ; aussi n'hésitons-nous pas à dire qu'un jour les meilleurs médecins, c'est-à-dire ceux qui guérissent le plus souvent, se trouveront parmi les médecins spirites, et cela par une raison bien simple, c'est qu'ils tiendront compte d'une cause ignorée ou négligée par les autres.
Les plus savants médecins sont partagés entre une infinité de systèmes qui, tour à tour, ont eu plus ou moins de vogue, ce qui fait dire avec une apparence de raison que la médecine a sa mode. Tous les moyens curatifs ont été successivement préconisés d'une manière absolue et condamnés de même ; tous ont réussi dans certains cas et échoué dans d'autres, parce qu'on en a fait une application exclusive sans tenir compte des nuances infinies qui font que ce qui est bon pour l'un est mauvais pour l'autre.
Avant qu'il soit longtemps, on verra surgir la médecine spirite ; elle sera combattue à outrance par les médecins matérialistes, et nous sommes encore loin de l'époque où elle sera officiellement reconnue par la Faculté ; mais, comme en définitive les résultats seront en sa faveur, le public la prendra sous sa protection, car il ira de préférence où il aura le plus de chance d'être guéri ; l'augmentation de clientèle des médecins spirites sera un argument péremptoire.
Poursuivez donc, sans hésiter, cher docteur Damien, l'accomplissement de votre mission, et soyez sûr qu'à la reconnaissance de vos malades terrestres se joindra la protection de ceux qui, du haut de l'espace, assisteront à vos nobles efforts. Soyez un des précurseurs de l'ère nouvelle dans laquelle la médecine moderne ne tardera pas à vous suivre, et l'humanité régénérée inscrira votre nom à côté de ceux qui, dans les sciences, les arts, la littérature, l'industrie, le flambeau de la vérité à la main, l'auront courageusement guidée sur la route de la progression infinie.
Avril 1870, à la société de Paris
"Je suis heureux, mes chers amis, toutes les fois que je puis venir au milieu de quelques-uns d'entre vous rassemblés pour étudier et populariser nos principes, et je vous remercie vivement de l'empressement avec lequel vous vous rendez à l'appel des chefs de groupe. Avec votre appui qui, je le vois, ne leur fera pas défaut tant qu'ils sauront s'en rendre dignes, ils pourront certes concourir comme tant d'autres à la popularisation de nos chères croyances.
Après la satisfaction éprouvée par celui qui découvre la vérité et se pénètre de ses bienfaisantes effluves, en est-il de plus grande que de communiquer à tous le bonheur dont on est soi-même animé ?
Ah ! C’est dans cette incessante effusion de mes convictions, c'est dans l'enthousiasme avec lequel ceux qui sont aujourd'hui spirites ont accueilli mes premiers pas dans la science nouvelle, que j'ai dû le courage et la persévérance avec lesquels j'ai constamment combattu pour le triomphe de nos vérités.
Pour gravir l'aride sentier de la connaissance, malgré les attaques malveillantes des intéressés et les obstacles qui surgissent incessamment, il faut plus que la conviction, il faut la foi ! Savoir n'est rien ! Savoir seul ne peut qu'exalter l'orgueil et anéantir ou étioler les moyens de perception et de compréhension de l'intelligence. Pour édifier l'œuvre avec fruit, il faut encore avoir confiance en son avenir, et cette confiance ne peut naître que de l'expansion en pleine lumière des vérités acquises, que de l'acceptation de ces vérités par un grand nombre de ceux qui cherchent incessamment, par les luttes de la vie terrestre, à gravir quelques degrés de plus dans la vie éternelle des âmes.
Cet appui que j'ai trouvé parmi vous, messieurs, vous le prêterez aussi, j'espère, à tous ceux qui vous le demanderont avec le désir ardent d'éclairer les hommes de bonne volonté. Nous travaillerons de concert, incarnés et désincarnés, savants et ignorants du monde spirituel et du monde terrestre, et il ne faut pas vous le dissimuler, c'est surtout dans le commerce avec les souffrants, avec les malheureux que l'on s'instruit.
Voir plus clair en pleine lumière avec les Esprits d'élite, c'est bien et c'est utile, mais voir dans les profondes ténèbres dont sont environnés les êtres inférieurs ou pervers, faire pénétrer une lueur dans leur obscurité, un rayon d'espérance dans leur désespoir, partager leurs douleurs, leur aider à sortir de leur apathie, c'est apprendre par quelles luttes nous avons passé pour sortir de leur abjection, c'est s'instruire des moyens à employer pour leur rendre plus rapide l'assimilation de la vérité. Il suffit souvent de connaître la langue de ce monde, ses habitudes, ses réticences, d'analyser ses vices pour en faire de puissants leviers de progrès et de régénération.
Avec les Esprits supérieurs qui sondent l'avenir et vous feront part de leurs découvertes pour vous faciliter l'ascension, nous vous enverrons donc des Esprits souffrants, légers ou mauvais, pour que vous les instruisiez, vous qui êtes à leur égard ce que les Esprits supérieurs sont pour vous, et c'est ainsi qu'attirés d'une part par vos aînés, attirant de l'autre vos inférieurs, vous accomplirez votre mission et que vous poursuivrez sans faiblesse votre route vers l'infini.
C'est par la solidarité, c'est par l'anion intime des forces de tous que s'accomplira la grande régénération humanitaire, et si le cri du grillon caché dans le sillon, le murmure du vent, le langage muet ou articulé de tous les êtres de la création, s'unissent dans un immense concert pour remercier Dieu de les avoir créés, n'oubliez pas que la prière universelle ne lui parvient dans toute la puissance de l'harmonie suprême que parce que toutes ses créatures y ont concouru, depuis l'infusoire invisible jusqu'à la planète gigantesque portant dans son sein les trésors des générations futures.
Unissez-vous donc tous, rues amis, et si chacun d'entre vous, mû par la pensée du progrès commun, prend part dans la mesure de ses forces à l'œuvre entreprise, vous pourrez vous retirer de vos réunions l'esprit satisfait et le cœur joyeux, car vous aurez concouru à soulever peu à peu les voiles qui cachent à l'humanité de prochaines et plus heureuses destinées.
Discutez, instruisez-vous, ne craignez point d'essayer vos forces ! Aux plus humbles parfois sont réservés les plus utiles labeurs ; mais n'oubliez point qu'au seuil de toute réunion spirite, vous devez laisser l'animosité, l'intolérance et le souvenir des offenses, si vous voulez mériter l'appui des Esprits supérieurs et de celui qui parmi vous, se nommait : Allan Kardec"
17 avril 1870, à la société spirite de Rouen, par monsieur Bouteleu
"Hors la charité point de salut. Jamais plus belle devise ne servit de point de ralliement à l'humanité et ne résuma mieux les devoirs de chacun envers tous et de tous envers chacun.
Soyez charitables, car dans votre société à peine au sortir de l'enfance morale, que de plaies à panser, que de défaillances, que de chutes, que de souffrances de toute nature s'offrent à votre vue et vous invitent au bien ! Là, un pauvre être en proie dès la naissance aux privations les plus pénibles ; que deviendra-t-il si une main secourable ne vient l'aider à gravir les premiers sentiers de la vie ? Ici, la maladie apparaît avec son cortège de misères, et le pain va manquer à cette famille déjà malheureuse et en proie aux douleurs de l'infortune, si votre cœur compatissant ne vient apporter non l'humiliante aumône, mais le secours fraternel et caché dont la valeur est ainsi doublée. Puis, plus tard, sur le soir de la vie, quand les membres engourdis par la vieillesse se refusent au labeur quotidien, soyez encore là pour aider à cette existence laborieuse à achever sa tâche et pour qu'une bénédiction du pauvre vous facilite à vous aussi le passage du trépas : passage si sombre pour ceux qui oublièrent que le véritable rôle échu à chacun ici-bas, est le bien envers tous suivant la mesure de ses forces.
Mais ce n'est pas tout, et secourir vos frères dans leurs souffrances matérielles n'est que la plus faible partie de votre tache ; il est un autre ordre d'idées que vous ne devez pas oublier : l'assistance morale.
Contribuez au développement, au progrès de l'esprit, par vos conseils, par une éducation raisonnée, par une instruction solide, afin que, sachant s'étudier lui-même, l'homme puisse, des effets remonter aux causes et comprendre ainsi le merveilleux enchaînement qui relie toutes les créatures, depuis la plus infime jusqu'à la plus élevée dans la hiérarchie des êtres. Pour en arriver là, de nombreux efforts sont nécessaires et variés à l'infini, suivant les circonstances.
Consultez toujours votre conscience et votre cœur, et aidés de l'assistance des bons Esprits, vous discernerez facilement les moyens nécessaires pour atteindre ce but, qui doit être l'objet de vos constants efforts, car votre existence ne doit pas se borner à vous ménager les moyens matériels et intellectuels en vue de votre avancement personnel, mais aussi à contribuer à l'avancement, à l'harmonie des mondes, par un hommage rendu à la solidarité universelle.
Que votre charité surtout soit humble dans ses efforts ; que jamais le sourire du mépris n'erre sur vos lèvres, ne se glisse dans vos cœurs en présence du triste spectacle présenté trop souvent par ceux qui, encore asservis par les passions matérielles, oublient tout et se laissent emporter par le courant. C'est là surtout que vos efforts doivent se diriger et redoubler de puissance, afin de soulager ces Esprits en souffrance et leur faire faire un pas en avant. Que dans ce cas, une fraternelle assistance ne se fasse pas attendre, car sachez bien qu'une parole affectueuse, qu'un regard, un sourire de sympathique pitié, peuvent cicatriser les cœurs ulcérés et les aider à sortir de cet état d'abaissement par lequel vous avez passé pour la plupart et dont vous n'êtes vous-mêmes sortis que par vos efforts secondés par les efforts de vos frères.
Oh oui, mes amis, votre devise est vraie, car elle résume les devoirs de l'homme envers l'humanité, de l'humanité envers la création entière, et de la création entière envers Dieu.
Vous trouverez la suite de ces communications ici :
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