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La lévitation
La lévitation

Ce mois-ci, nous vous présentons une étude sur la lévitation. On désigne sous le nom de lévitation le phénomène qui consiste dans le soulèvement d'un corps vivant sous l'action d'une force, soulèvement qui va jusqu'à produire une suspension plus ou moins longue dans l'air sans aucun contact avec le sol.

 Le miracle de San Diego par Murillo

 

On en trouve de nombreux exemples en Orient et en Occident chez les mystiques. Les lévitations ont eu souvent une telle durée qu'elles ont pu se fixer nettement dans la mémoire des artistes et être reproduites par la peinture et la gravure. Au musée du Louvre, il y a un tableau de Murillo, appelé le miracle de San Diego, qui en témoigne.
Ce phénomène, bien réel, peut être attribué à une force physique se développe dans l'organisme du sujet sous l'influence de causes morales et agissant comme un courant magnétique qui repousse un courant semblable existant dans le sol ; tantôt il semble être dû à une entité intelligente et invisible qui soulève le sujet, comme le ferait un homme ordinaire.

Sainte Thérèse d’Avila
Elle a eu de nombreuses lévitations. Un jour de fête de la Très Sainte-Trinité, Saint Jean de la Croix s’entretenait avec elle au parloir. Thérèse, à genoux d'un côté de la grille, semblait plutôt en oraison qu'en conversation. Saint Jean, assis de l'autre côté, parlait avec ferveur. A un moment, la sœur portière, Béatrix de Jésus, chargée de transmettre un message à sa Mère prieure, frappe à la porte du parloir. Personne ne répond. Elle frappe encore et enfin elle pousse la porte. Le Saint et la Sainte sont l'un et l’autre élevés au-dessus du sol dans la situation qu'ils occupaient auparavant : Jean de la Croix assis sur sa chaise qu'il a inutilement saisie de ses deux mains pour se retenir à terre et qu'il a au contraire emportée avec lui ; Thérèse toujours à genoux et soutenue en l'air. A cette vue, sœur Béatrix, hors d'elle-même, appelle les religieuses qu'elle peut trouver hors du parloir, et une partie de la communauté devient ainsi témoin de ce double prodige. On ne put en garder entièrement le secret avec la sainte Mère :
- Que voulez-vous, mes filles, répondit-elle dans sa gracieuse humilité, on ne peut parler de Dieu avec le Père Jean. Non, seulement il tombe aussitôt en extase mais il fait y entrer les autres.  Thérèse d'AvilaLa sainte décrit elle-même les sensations qu'elle éprouvait au moment de ses lévitations, dans son autobiographie : « L'âme, dans ces ravissements, semble quitter les organes qu'elle anime. On sent d'une manière très sensible que la chaleur naturelle va s'affaiblissant et que le corps se refroidit peu à peu, mais avec une suavité et un plaisir inexprimables. Dans l'oraison d'union, nous trouvant encore comme dans notre pays, nous pouvons presque toujours résister à l'attrait divin, quoique avec peine et un violent effort mais il n'en est pas de même dans les ravissements ; on ne peut presque jamais y résister. Prévenant toute pensée et toute préparation intérieure, il fond souvent sur vous avec une impétuosité si soudaine et si forte que vous voyez, vous sentez cette nuée du ciel ou cet aigle divin vous saisir et vous enlever.
Mais comme vous ne savez où vous allez, la faible nature éprouve à ce moment, si délicieux d'ailleurs, je ne sais quel effroi dans le commencement. L'âme doit montrer ici beaucoup plus de résolution et de courage que dans les états précédents ; il faut en effet qu'elle accepte à l'avance tout ce qui peut arriver, qu'elle s'abandonne sans réserve entre les mains de Dieu et se laisse conduire par lui où il lui plait, car on est enlevé, quelque peine qu'on en ressente.
J'en éprouvais une si vive, par crainte d'être trompée que, très souvent en particulier, mais surtout quand j'étais en public, j'ai essayé de toutes mes forces de résister. Parfois je pouvais opposer quelque résistance mais c'était en quelque sorte comme lutter contre un fort géant, je demeurais brisée et accablée de lassitude. D'autres fois, tous mes efforts étaient vains ; mon âme était enlevée, ma tête suivait presque toujours ce mouvement sans que je pusse la retenir ; et quelquefois même tout mon corps était enlevé, de telle sorte qu'il ne touchait plus à terre.
Lorsque je voulais résister, je sentais sous mes pieds des forces étonnantes qui m'enlevaient; je ne saurais à quoi les comparer. Nul autre de tous les mouvements qui se passent dans l'esprit n'a rien qui approche d'une telle impétuosité. C'était un combat terrible, j'en demeurais brisée. Quand Dieu veut, toute résistance est vaine ; il n'y a pas de pouvoir contre son pouvoir. Au commencement, je l'avoue, j'étais saisie d'une extrême frayeur. Et qui ne le serait en voyant ainsi son corps s'élever de terre ? Car, quoique l'âme l'entraîne après elle, avec un indicible plaisir quand il ne résiste point, le sentiment ne se perd pas ; pour moi, du moins, je le conservais de telle sorte que je pouvais voir que j'étais élevée de terre. A la vue de cette majesté que déploie ainsi la puissance, on demeure glacé d'effroi, les cheveux se dressent sur la tête et on se sent pénétré d'une très vive crainte d'offenser un Dieu si grand.
Je reviens aux ravissements et à leurs efforts ordinaires. Souvent mon corps en devenait si léger qu'il n'avait plus de pesanteur ; quelquefois c'était à un tel point que je ne sentais plus mes pieds toucher la terre. Tant que le corps est dans le ravissement, il reste comme mort et souvent dans une impuissance absolue d'agir. Il conserve l'attitude où il a été surpris ; ainsi il reste sur pied ou assis, les mains ouvertes ou fermées, en un mot, dans l'état où le ravissement trouvé... »

Miss Abbott
Le Dr Henri Goudard a relaté dans les Annales des sciences psychiques de 1895 le cas d'une jeune Américaine, miss Abbott, qui vint en 1892 donner à Paris des représentations. Elle pouvait se rendre lourde ou légère à volonté et communiquer cette propriété à d'autres personnes. C'est ainsi qu'elle soulevait de terre, en la prenant entre ses deux mains ouvertes, sans pression, une chaire chargée de 5 personnes groupées de manière à ne pas toucher le sol. Cette jeune fille était toute petite et pesait, dans son état normal, 45 kilos. Quand elle voulait se livrer à ses exercices, elle se tenait immobile pendant un instant ; le regard fixe dans l'espace ; tout à coup un éclair semblait passer dans ses yeux, une secousse à peine perceptible agitait son corps et elle entrait dans une sorte de transe où elle restait en relation avec le milieu ambiant.

Stella Lundelius
Dans la Revue d'études psychiques de février 1903, César de Vesme parle d'un cas analogue qui aurait été observé aux Etats-Unis. Il s'agit d'une fillette âgée de douze ans appelée Stella Lundelius et fille d'un photographe d'origine suédoise établi à Port-Jervis. Depuis sa plus tendre enfance, elle jouit de la faculté d'accroître à volonté le poids apparent de son corps. Pour produire le phénomène, Stella appuie le bout du doigt sur le poignet, le front ou le cou de l'expérimentateur alors, plusieurs hommes en unissant leurs efforts ne parviennent pas à la soulever de terre, bien que normalement elle ne pèse pas plus de 30 kilos. Ces expériences ayant fait du bruit, M. Lundelius fut invité à amener sa fille à New-York pour y être étudiée par un comité de médecins. Après de longues et minutieuses expériences, le comité a fait un rapport détaillé.

Le médium Eglington
Il raconte comme il fit une lévitation au cours d'une séance à la cour de Russie : « Après le thé, on passa dans une chambre où prirent place, en se tenant par la main, l'empereur, l'impératrice, le grand-duc et la grande-duchesse d'Oldenbourg, le grand-duc et la grande-duchesse Serge, le grand-duc Wladimir, le général Richter et le prince Alexandre d'Oldenbourg. Les lumières furent éteintes et les manifestations commencèrent ; la plus frappante fut une voix qui s’adressa en russe à l'impératrice et causa avec elle pendant quelques instants. Une forme féminine fut aperçue entre le grand-duc Serge et la princesse d'Ol¬denbourg, mais elle disparut bientôt. Je commençai alors à m'élever dans l'air, tandis que l'impératrice et la princesse d'Oldenbourg continuaient à me tenir la main. La confusion devint indescriptible lorsque, m'élevant de plus en plus haut, mes voisines durent monter sur leurs chaises afin de me suivre. Cette idée qu'une impératrice était obligée de poser ainsi à l'antique, au risque de se blesser, était peu propre à maintenir l'équilibre mental du médium et je demandai plusieurs fois qu'on levât la séance.
Mais ce fut inutilement et je continuai à monter jusqu'à ce que mes deux pieds touchassent deux épaules sur lesquelles je m'appuyai et qui étaient celles de l'empereur et du grand-duc d'Oldenbourg, ce qui fit dire à l'un des assistants :
- C'est la première fois que l'Empereur se trouve sous les pieds de quelqu'un.
Lorsque je fus redescendu, la séance fut terminée. »

M. l'abbé Petit
Il explique : « Ce qu'il importe de déterminer dans tous ces phénomènes, c'est la cause qui les produit. En ce qui concerne la lévitation, je l'ai éprouvée de deux manières différentes dans une église : une fois, c'était un simple soulèvement que j'attribue à la dilatation du corps astral ; une autre fois, il y a eu transport. J'ai ressenti, dans le premier cas, un fourmillement intense dans les mains et les pieds avec la sensation d'une force qui s'échappait ; dans le second cas, la sensation était toute différente, il me semblait qu'une force étrangère m'attirait vers l'autel.
Je pense que, dans le cas de transport, la force médiumnique du sujet se soude à une force supérieure qui l'entraîne. Si la frayeur ne m'avait saisi, si je ne m'étais pas débattu, je serais probablement passé par-dessus la grille du sanctuaire. Ma frayeur a été si grande que j'ai failli en être malade... Il m'en coûte de parler de moi, je ne le fais qu'avec répugnance mais il serait à désirer que les personnes à qui surviennent, accidentellement ou non, quelques phénomènes de cette nature, en fissent l'aveu en toute sincérité. Cet aveu est très pénible aussi la plupart s'en cachent avec soin pour ne point s'attirer la réputation d'hallucinés ou de visionnaires, épithètes toujours désagréables. »

Autres exemples
M. Mollers cite une femme qui vivait en 1820 et qui, se trouvant en état magnétique, s'élevait soudain de son lit en présence de nombreux témoins et planait dans l'espace à la hauteur de plusieurs mètres, comme si elle allait s'envoler par la fenêtre. Les assistants prièrent Dieu et elle redescendait.
Horst, conseiller privé, parle d'un homme dans les mêmes conditions qui, en présence de plusieurs témoins respectables, s'élevait en l'air, planait au-dessus des têtes des personnes présentes, de telle sorte qu'ils coururent derrière lui afin d'éviter qu'il ne se blessait lorsqu'il retomberait.
L'empereur François, époux de Marie-Thérèse, avait à sa cour un médium nommé Schindler qui possédait l'art de s'élever à volonté dans les airs sur commande. Le monarque fit un jour enlever le grand lustre de l'une des hautes salles de la Burg de Vienne, et, au crochet resté dans le plafond fut suspendue une bourse contenant 100 ducats ; ils devaient être la rémunération de Schindler s'il était capable de décrocher cette bourse sans échelle. Aussitôt, il se mit à l'œuvre ; le médium fut saisi de convulsions, se démenant des bras et des jambes et finalement l'écume aux lèvres et avec un tremblement général, s'éleva lentement dans les airs. Il réussit à saisir la bourse et après quoi son corps s'étendit horizontalement comme pour se reposer et il descendit lentement en planant.

En tous cas, aucun de ces phénomènes n'est miraculeux. Rien dans ces faits, qui échauffent malheureusement les imaginations, n'est produit en dérogation aux lois de la nature et tous relèvent d'une loi supérieure.