Ce mois-ci, nous vous présentons la troisième partie du Roman de l'avenir par Eugène Bonnemère. Ce texte parle des fluides. L'auteur est un Esprit qui dicte à un jeune médium ces pages. Il va sans dire que nous laissons à l'Esprit la responsabilité des opinions émises et nous vous proposons de les découvrir.
III - Les fluidiques
On appelle fluide ce rien et ce tout inanalysable, au moyen duquel le monde spirituel se met en communication avec le monde matériel, et qui maintient notre physique en harmonie, soit avec lui-même, soit avec ce qui est en dehors de lui.
Bien qu'il nous enveloppe et qu'il nous entoure, et que nous vivions en lui et par lui, c'est dans l'âme qu'il se réunit et se condense. Il est non seulement cette portion de notre âme qui nous met en action, nous dirige et nous guide, mais encore il est, pour ainsi dire, l'âme générale qui plane sur nous tous ; c'est le lien mystérieux et indispensable qui établit l'unité en nous-mêmes et en dehors de nous et s'il vient à se briser momentanément, c'est alors que se manifeste cette modification immense que nous appelons la mort.
Le fluide, c'est donc la vie elle-même : C'est le mouvement, l'énergie, le courage, le progrès ; c'est le bien et le mal. C'est cette force qui semble animer à son tour du souffle de sa volonté, soit la charrue bienfaisante qui fertilise la terre et fait de nous les nourriciers du genre humain, soit le fusil maudit qui la dépeuple et nous transforme en meurtriers de nos frères.
Le fluide facilite entre l'Esprit de l'inspirateur et celui de l'inspiré, des rapports qui, sans lui, seraient impossibles.
Les hallucinés sont nerveux, mais non pas fluidiques, en ce sens que rien ne se dégage d'eux. C'est ce défaut de dégagement, cet excès ou ce manque de fluide, cette rupture violente d'équilibre en eux qui les exalte jusqu'à la folie, jusqu'au délire, ou tout au moins jusqu'à la divagation momentanée, et fait défiler devant eux des fantômes imaginaires, ou qui se rattachent plus ou moins à la pensée dominante, qui, en excitant les fibres cérébrales, a fait entrer en révolte la quintessence du fluide circulant, trop plein de cette notion impressionnable qui tend incessamment à s'en dégager.
Qu'un fou, qu'un halluciné meure ; que l'on fasse l'autopsie de son cadavre, et tout paraîtra sain dans sa nature physique ; on ne découvrira rien de particulier dans son cerveau. On pourra cependant observer le plus ordinairement, une légère lésion au cœur, la partie morale atteinte exerçant une puissante influence matérielle sur cet organe.
Eh bien ! ces désordres que le scalpel ne met pas à nu, que le doigt ne touche pas, que l'œil ne voit pas, ils existent dans le fluide, que la science, toujours trop matérialiste, nie pour n'avoir pas à l'étudier.
La vapeur n'avait pas besoin pour être une force, que Salomon de Caus ou Papin en devinassent l'emploi, pas plus que l'électricité n'avait attendu pour exister, que Galvani vînt lui faire accorder ses droits de cité au milieu des savants officiels. Le fluide ne se montre pas plus révérencieux à l'endroit de leurs doctes arrêts. L'électricité et la vapeur qui ne sont que d'hier, ont déjà révolutionné le monde matériel. Le Spiritisme, en affirmant la réalité du fluide, modifiera bien plus profondément encore le monde intellectuel et moral.
Non seulement le fluide existe, mais il est double, il se présente sous deux aspects divers, ou du moins, ses manifestations sont de deux ordres très différents.
Il y a le fluide latent, que chacun possède, et qui, à notre insu, met en mouvement toute la machine. Celui-là demeure en nous, sans que nous en ayons conscience parce que nous ne le sentons pas, et les natures lymphatiques vivent sans se douter qu'il existe.
Puis, il y a les fluides circulants qui sont en action perpétuelle et en ébullition constante dans les organisations nerveuses et impressionnables. Lorsqu'ils ne servent qu'à nous donner une activité extrême, nous les laissons agir au hasard, et ils n'excitent notre préoccupation que quand, faute d'équilibre, ou par une cause quelconque, leur action se traduit par des attaques de nerfs ou d'autres désordres apparents dont il importe de rechercher la cause.
Il arrive assez fréquemment que lorsque la crise nerveuse est calmée et après l'accablement qui la suit, un fluide se dégage de certains sensitifs, qui leur permet d'exercer une action curative sur d'autres êtres plus faibles et atteints d'un mal contraire au leur. Un simple attouchement sur la partie souffrante, suffit pour les soulager. C'est une sorte de magnétisme circulant, momentané, inconscient, car l'action fluidique se produit immédiatement ou ne se produit pas du tout.
Lorsque les inspirés sont fluidiques de naissance, ils jouissent au plus haut degré de cette précieuse faculté curative. Mais c'est une rare exception.
Ordinairement l'état fluidique se développe à l'heure de la puberté, dans ce moment transitoire où l'on n'est pas fort encore, mais où l'on va le devenir pour supporter la lutte de la vie.
On a vu certains êtres devenir fluidiques pendant quelques années, quelques mois même, et cesser de l'être après que tout avait repris en eux sa situation normale et régulière.
Quelquefois même, et notamment chez les femmes, cet état se manifeste à l'heure critique où la faiblesse commence à se faire sentir.
Il arrive parfois que des enfants en sont doués dans un âge encore très tendre. Un secret instinct nous rapproche d'eux. On dirait qu'une auréole de pureté rayonne autour de ces blondes têtes de chérubins. Encore si près de Dieu, ils sont sains de corps, de cœur et d'âme ; la santé se dégage d'eux et leur vue, leur présence, leur contact rassérènent notre être tout entier.
Vous vous sentez bien de leur baiser, vous êtes heureux de les bercer dans vos bras. Il y a chez eux quelque chose de plus que le charme qui s'attache aux douces caresses de l'enfant, il y a un dégagement qui calme vos agitations, vous rajeunit et rétablit en vous l'harmonie un moment compromise. Vous vous sentez attiré vers celui-ci et non vers celui-là. Vous ne savez pas pourquoi, et c'est parce que le premier vous procure un bien-être que vous ne ressentiriez pas auprès de tout autre.
Qui de nous n'a pas cherché, souvent pendant bien longtemps et sans le trouver, hélas ! L'être qui doit nous soulager ! Il existe cependant, ainsi que le remède qui peut nous guérir.
Cherchons sans nous décourager, et nous découvrirons. Frappons et l'on nous ouvrira. Si infirmes que nous soyons, il y a cependant quelque part une âme qui répondra à notre âme. Faibles, elle relèvera notre défaillance ; forts, elle adoucira nos aspérités. Nous nous compléterons avec elle, et tous les deux elles s'attendent pour se faire du bien.
Les natures fortement trempées exercent une action magnétique sur les caractères plus faibles. Pour magnétiser fructueusement, il faut un grand effort de volonté concentrée, par conséquent un dégagement de nous-mêmes, et ce dégagement ne peut avoir une action curative qu'autant qu'il ajoute une force puissante à la faiblesse que nous combattons et qui fait souffrir celui qu'on magnétise.
Les magnétiseurs ne peuvent que rarement être magnétisés par d'autres. Il semble que cet effort de volonté qu'il faut réaliser, creuse une sorte de réservoir dans lequel s'accumule le fluide à l'état latent, qui déverse son trop-plein sur les autres ; mais il ne reste plus de place pour pouvoir rien recevoir d'eux.
L'intuition est le rayonnement du fluide qui, se dégageant de celui sur lequel nous voulons agir, vient éveiller le nôtre et le fait se déverser sur l'être que nous voulons soulager. De ce choc de deux agents contraires, une étincelle jaillit ; elle éclaire notre Esprit et nous montre ce qu'il convient de faire pour atteindre ce but. C'est la charité mise en action. Ce fluide agissant, toujours prêt à s'éveiller au premier appel de la souffrance, se rencontre surtout chez les âmes sensibles et tendres plus préoccupées du bien des autres que du leur propre.
Il existe certains médecins chez lesquels ce dégagement fluidique s'opère sans même qu'ils s'en rendent compte, et qui ont reçu de Dieu le don de guérir plus sûrement ceux qui souffrent.
Puis enfin il y a les natures vraiment fluidiques dont le trop-plein exige un dégagement continuel sous peine de réagir contre eux. L'action qu'ils exercent sur ceux qui leur sont sympathiques est toujours salutaire, mais elle peut devenir funeste à ceux qui leur sont antipathiques.
C'est parmi ceux-là que se rencontrent les sensitifs qui, dans l'obscurité, perçoivent les lueurs odiques qui se dégagent de certains corps, tandis que les autres n'aperçoivent rien.
Les fluidiques et les sensitifs sont les plus sujets à ces sentiments instinctifs de sympathie ou d'antipathie, en présence de ceux dont le contact ou la vue seulement leur fait éprouver du bien ou du mal. Certains enfants exercent une pression physique ou morale sur leurs frères ou sur leurs camarades. C'est le fluide de dégagement qui va vers ces derniers et les domine.
Chacun de nous exerce sur autrui un pouvoir attractif ou répulsif, mais à des degrés différents, car la nature est multiple et infinie dans ses combinaisons.
Qui n'a senti l'effet d'une simple poignée de main pour remettre l'être en équilibre ou pour détruire en soi cet équilibre ; pour nous unir à la personne qui nous la donne, ou pour nous repousser loin d'elle ; pour nous faire ressentir une sensation de bien-être ou de souffrance ?
Qui n'a senti le froid ou la chaleur d'un baiser ?
Qui n'a senti ce frémissement intérieur qui ébranle tout notre être au moment où nous sommes mis en rapport avec un autre, et qui nous fait dire : C'est un ami !… ou bien un ennemi ?
Les personnes dont les mains sont froides et moites sont de complexion faible ; d'une sensibilité peu développée, elles ne donnent pas de fluide et elles ont besoin qu'on leur en prodigue.
Les inspirés jouissent habituellement du privilège de pouvoir secourir, par un fluide qui se dégage d'eux, ceux qui en ont besoin.
Mais rarement ils jouissent d'une bonne santé, rarement l'équilibre et l'harmonie règnent dans leur personne.
Ils ont trop ou pas assez de fluides et ce n'est guère que dans le moment de l'inspiration qu'ils se trouvent en complète harmonie.
Mais alors ils n'en ressentent pas les bienfaits, puisqu'une autre individualité est unie à la leur et qu'elle les abandonne momentanément, après qu'ils ont donné ce qu'ils avaient en réserve.
Les guérisseurs de la campagne, les sorciers, ceux qui font disparaître les entorses, sont généralement des fluidiques. Leur puissance est réelle ; ils l'exercent sans savoir comment. Mais on se tromperait à croire qu'ils puissent agir également sur tout le monde. Il faut que le fluide qui se dégage d'eux soit en harmonie avec celui de la personne qui doit l'absorber, autrement l'effet contraire se produit. De là vient le mal très réel que l'on ressent parfois après une visite chez l'un de ces prétendus sorciers.
Il n'y a ni remèdes ni fluides dont l'action soit universelle. Toute action est modifiée par la nature de celui qui la reçoit. Il faut que l'étincelle frappe juste, sinon il y a choc et aggravation dans le mal que l'on prétend soulager.
Le magnétisme subit la même loi et ne peut pas davantage être efficace dans tous les cas.
Les sensitifs et les fluidiques sont les plus généreuses natures, celles qui sentent le mieux tous ces mille riens qui composent l'être humain dans sa partie morale, physique et intellectuelle. Mais ce sont aussi les plus malheureuses, parce qu'elles donnent plus aux autres que ceux-ci ne leur rendent.
Les plus fluidiques ont généralement un grand dégoût de leur personnalité. Elles pensent aux autres, jamais à elles-mêmes. Cela tient peut-être aussi à une sorte d'intuition secrète ; elles sentent que sans ce dégagement de leur trop-plein qu'elles déversent sur autrui, elles ne pourraient pas avoir de repos.
Plaignons les fluidiques et les sensitifs. La vie a pour eux plus de douleurs que de joies ; elle n'est qu'une continuelle souffrance.
Mais admirons-les en même temps, car ils sont bons, généreux et doués de la charité humanitaire. Une force se dégage d'eux pour le soulagement de leurs frères et c'est pour être plus complètement tout à tous, qu'ils sont si peu à eux-mêmes.
Et peut-être leur avancement sera-t-il plus rapide et plus grand dans un autre monde, parce qu'ils ont passé dans celui-ci en ne s'appliquant qu'à faire du bien aux autres.
Parfois, après un trop grand dégagement, le fluidique souffre et arrive à un extrême degré de faiblesse, jusqu'au moment où, de nouveau, il rentre en possession de sa force. Quand une personne souffre, il ne calcule pas et va vers elle. Le cœur l'y entraîne victorieusement, advienne que pourra ! Ce n'est plus un homme que de froides convenances retiennent ; c'est une âme qui s'éveille au premier cri de la souffrance, et qui ne se souvient plus après que le soulagement est arrivé !
Texte tiré de la revue spirite de 1869