Ce mois-ci, nous vous présentons De la France vers le Brésil... tirés de la revue "Folha Espirita" éditée spécialement pour le bi-centenaire de la naissance d'Allan Kardec, voici deux articles qui retrace l'épopée spirite. Vous trouverez l'original sur format PDF à télécharger : ici.
Le 23 septembre 1863, le Journal du Commerce de Rio de Janeiro, a publié la « Chronique de Paris », dans laquelle l’auteur affirmait que la manifestation des Esprits dans plusieurs endroits du monde se présentait comme une « invasion générale » de « très grande importance » (voir Revue Spirite, juillet 1864, p.212). Paola Giovetti rappelle que l’une des soeurs Fox a reçu un message qui « est devenu fameux et a été considéré comme le manifeste du spiritisme : "Chers amis, ceci est l’aube d’une ère nouvelle ; il ne faut plus le cacher. Faites votre devoir et Dieu vous protégera, de même que les bons Esprits". Conhecer a Parapsicologia ; os fenômenos do paranormal (Connaître la Parapsychologie ; les phénomènes du paranormal), p.38. En effet, à partir de 1848, l’invasion des Esprits est devenue universelle ; ils ont non seulement globalisés le mouvement, mais ils ont aussi donné des connaissances aux incarnés, dans plusieurs secteurs, à travers les médiums. Kardec a recueilli ces enseignements, les a analysés et a élaboré les fondements de la Doctrine Spirite. Cette invasion annoncée allait trouver un sol fertile dans la psychologie du peuple brésilien. Héritiers de trois ethnies – l’indigène, la blanche et l’africaine – dotés d’une profonde affectivité, sans les préjugés qui parfois entravent le développement des vérités nouvelles, le Brésilien les a reçues dans son âme.
Au Brésil, selon les nouvelles documentées dans les Archives Publiques de l’État de Bahia, on trouve l’enregistrement d’un procès-verbal du Juge Municipal, du 24 mai 1845, qui parle des réunions réalisées pour entendre « les révélations des âmes des morts ».
En 1853, à Rio de Janeiro, se trouve déjà le groupe du Dr Melo Morais qui bavardait avec les désincarnés. Dans la capitale de l’État du Ceara, Fortaleza, José Smith de Vasconcelos, le Baron de Vasconcelos, et son groupe réalisent des expériences avec des « tables tournantes », en attestant la véracité des nouvelles qui viennent de l’Europe et de l’Amérique. Des journaux de Rio de Janeiro, Pernambuco et Ceara font de grands reportages sur la nouveauté.
A partir du moment où l’oeuvre de Kardec surgit au Brésil, un groupe de Bahia, dirigé par Luiz Olimpio de Menezes, commença à l’étudier. Telles avait plusieurs activités : il était professeur de latin et membre de l’Institut Historique de Bahia, journaliste, capitaine de la Garde Nationale, abolitionniste convaincu, etc. Le groupe qu’il forma, auquel appartenaient des personnes importantes du milieu intellectuel, réalisa sa première réunion spirite le 17 septembre 1865, à 22h30, et se nomma par la suite officiellement, le Groupe Familial du Spiritisme.
En février 1866, Telles publia le livre Philosophie spiritualiste, pour défendre la pensée d’Allan Kardec durement critiquée dans des articles du français Amédée Déchambre, traduits de la Gazette Hebdomadaire de Médecine, et publiés, en 1865, par le Journal de Bahia. Dans son livre Telles fait une relation entre la Doctrine des Spirites et le message de Jésus. La réaction à cet article ne se fait pas attendre, Dom Manoel Joaquim Silveira, archevêque de Bahia, lance en 1867, une lettre pastorale, dans laquelle il se propose de subjuguer « les erreurs pernicieuses du spiritisme ».
Le Catholicisme, à l’époque, était la religion officielle de l’Empire Brésilien, de sorte que les autorités ecclésiastiques se jugeaient comme étant les « représentantes uniques » du Christ sur la Terre. Mais Telles de Menezes répondra à la Lettre Pastorale de l’Archevêque dans la deuxième édition de son livre, en 1867. Continuant le travail de divulgation des directrices de Kardec, il édite en 1869 un journal intitulé Echo d’outre-tombe ; moniteur du Spiritisme au Brésil, un périodique bimensuel qui fut édité jusqu’en 1871. Une partie des revenus du journal fut destinée à libérer les esclaves. Le 28 novembre 1873, les composants du groupe Familial décidèrent de constituer la société scientifique – association Spirite brésilienne – afin de faire face à l’hostilité de l’Église Catholique, Telles de Menezes ayant été son premier président.
A Rio de Janeiro, à l’époque capitale du pays, surgit la première institution spirite nommée Société d’Études Spirites du Groupe Confucius, et par la suite, après sa dissolution, a été fondée la Société des Études Spirites « Dieu, Christ et Charité ». Les centres spirites se multiplièrent dans tous les États. En 1884, fut crée la Fédération Spirite Brésilienne, dans laquelle brillera comme un élément pacificateur et d’évangélisation la figure d’Adolpho Bezerra de Menezes, illustre médecin.
L'extension du spiritisme au Brésil
Après le travail pionnier de Luíz Olímpio Telles de Menezes, plusieurs groupes furent crées dans le pays. A Rio de Janeiro, ceux qui avaient le plus d’affinités avec l’Évangile de Jésus s’unirent pour fonder, le 02 janvier 1884, la Fédération Spirite Brésilienne (FEB).
A la tête de cette entité, de 1895 à 1900, le médecin Adolpho Bezerra de Menezes Cavalcanti, contribua non seulement par des articles publiés dans le journal “O País”, de 1887 à 1894 et par d’importants livres, mais aussi et surtout grâce à l’exemple qu’il a laissé d’un homme de bien pour l’expansion du Spiritisme. La première édition brésilienne du “Livre des Esprits”, traduit par Joaquim Carlos Travassos, a paru en 1875, tandis que la revue « O Reformador » (le Réformateur), a été fondée en 1883, par Augusto Elias da Silva, qui a été plus tard adoptée par la FEB et qu’elle édite encore de nos jours.
Toujours au XIXe siècle, à São Paulo, Antônio Gonçalves da Silva « Batuíra » a créé le journal « Verdade e Luz » (Vérité et Lumière), qu’il distribua lui-même, de maison en maison,et même dans la fameuse Faculté de Droit du Largo São Francisco. Dans l’État de São Paulo et de Rio de Janeiro, Anália Franco, la Grande Dame de l’Education Brésilienne, et son mari, Francisco Bastos, fondateurs de foyers pour l’enfance abandonnée, ont créé aussi, en 1908, les journaux « A Voz Maternal » (la Voix Maternelle) et « Natalício de Jesus » (Naissance de Jésus) qui traitaient de thèmes liés à l’éducation et à la doctrine.
Même s’il n’a rien publié, Eurípedes Barsanuflo, dans la ville de Sacramento, dansl’État de Minas Gerais, a laissé des marques profondes dans le mouvement, avec la création, en 1900, du Collège Allan Kardec où il fut un professeur très dévoué jusqu’en 1918 quand il se désincarna. Modèle d’amour au prochain, son influence est toujours très vive de nos jours.
Cairbar Schutel a été le grand bastion de la divulgation spirite. Il a écrit d’innombrables livres et a édité un journal, en 1905, « O Clarim » et la « Revue Internationale du Spiritisme », en 1925. Il résidait à Matão, une toute petite ville de l’État de São Paulo, mais cela ne l’a pas empêché de se communiquer avec le monde entier.
Le Dr Silvino Canuto Abreu est un autre grand divulgateur. Ami de Léon Denis, il a établi de fortes liaisons entre les mouvements français et brésilien, et il a reçu plusieurs documents précieux qui ont appartenu au codificateur lui-même et à la Société d’Etudes Spirites de Paris. Dans le Journal « Unifi cação », de l’Union des Sociétés Spirites de l’État de São Paulo, il publia une série d’articles historiques, et même une édition bilingue du Premier « Livres des Esprits », en 1957, année du centenaire. Le philosophe et journaliste, Herculano Pires, signa pendant 20 ans à une colonne hebdomadaire de Spiritisme dans le Journal « Diário de São Paulo », sous le pseudonyme de Frère Saulo ; il a aussi produit la « Revue d’Éducation Spirite ».
Divaldo Pereira Franco a commencé, en 1947, son incomparable mission de répandre la Doctrine au Brésil et dans le monde. Pendant 57 ans sans interruption, il a déjà réalisé plus de dix mille conférences dans les cinq continents.
Le 18 avril 1974, sous l’orientation spirituelle du médium Chico Xavier, a été lancé le journal « Folha Espírita », dont la première direction a été composée de Freitas Nobre (président directeur), Jamil N. Salomão, Paulo Rossi Severino et Marlene Rossi Severino Nobre. Ce fut le premier journal spirite mis en vente dans des kiosques à journaux.
D’autres périodiques sont aussi dirigés au le grand public comme le Journal Spirite, et plus récemment les revues, Universo Espírita, Além da Vida et Espiritismo e Ciência, et de nombreuses autres brochures qui aident les mouvements régionaux.
Il faut aussi souligner la valeur des entités culturelles, comme celle de l’Institut de Culture Spirite du Brésil, fondé par Deolindo Amorim, à Rio de Janeiro, avec des cours spéciaux de Spiritisme ; l’Institut de Recherches Psychobiophysiques, sous la direction scientifique de Dr Hernani Guimarães Andrade, une autorité mondiale dans la recherche paranormale ; l’Association de Médecine Spirite du Brésil, fondée en 1995, mais qui dont la première entité a été fondée à São Paulo en 1968 ; l’Association Brésilienne des Magistrats Spirites, qui rassemble des centaines de membres du Pouvoir Judiciaire.
Mais, sans aucun doute, le plus grand propagateur de la doctrine spirite, au XXe siècle, non seulement au Brésil comme dans le Monde entier, ce fut Francisco Cândido Xavier.
Parmi les personnes illustres du Spiritisme au Brésil, il faut citer l’image de Francisco Cândido Xavier – Chico Xavier
Il y a deux ans, le 30 juin 2002, le Brésil s’habillait de vert et jaune pour commémorer la cinquième coupe du monde de football. Plus de cent mille personnes envahirent les rues du pays, euphoriques. Le même jour, silencieusement, comme il a toujours vécu, le plus grand médium de tous les temps, Chico Xavier, à l’âge de 92 ans, a accompli sa dernière volonté : celle de partir un jour où le peuple serait en fête. Avec la même humilité que celle qui a marqué toute sa vie, il se coucha, ferma les yeux et, sereinement, il est retourné vers le monde spirituel où une fête beaucoup plus grande l’attendait.
Il laisse derrière lui une existence victorieuse. En la revoyant, rétrospectivement, nous observons les scènes d’un enfant pauvre, né le 2 avril 1910, dans le petit village de Pedro Leopoldo, dans l’Etat de Minas Gerais. Orphelin de mère à l’âge de cinq ans, il subit des tortures physiques et psychologiques cruelles ; il commença à travailler, avant l’âge de neuf ans pour aider au soutien de sa famille. Après avoir terminé le cours primaire, il eut plusieurs emplois jusqu’au moment où il fut engagé comme employé de bureau au Secrétariat de l’Agriculture de l’État, le poste qu’il conserva jusqu’à sa retraite après 35 ans de travail.
À côté de sa lutte intense pour sa survie, il vécut des conflits psychologiques énormes, car depuis qu’il avait quatre ans, il voyait des esprits et sa vie avec eux, qui lui paraissait normale, semblait tout à fait étrange et était totalement incomprise par son entourage.
À l’âge de 17 ans, le 8 juillet 1927, il fut appelé par la Spiritualité pour travailler la psychographie, et 75 ans après, il remettait au monde une oeuvre gigantesque composée de 412 livres, de plusieurs auteurs spirituels, plusieurs d’entre eux déjà traduits, des centaines de lettres d’esprits à leurs familles incarnées et des millions de réponses à des consultations. Toute cette oeuvre a été supervisée par Emmanuel, son Esprit Guide. Avec la publication de son premier livre, Parnasse d’outre-tombe, un recueil de 56 poèmes écrits par 14 poètes importants, un véritable chef-d’oeuvre, le médium a provoqué des réactions favorables dans les milieux littéraires et dans ceux des non-croyants, bien qu’ils se posent la question suivante : « Comment un jeune homme, presque analphabète osait parler au nom de poètes respectables ?! » Malgré sa gloire soudaine, il continua sa mission avec la même humilité, en affirmant qu’il n’était qu’un ignorant qui portait des documents importants.
Obéissant et discipliné, il n’a jamais oublié les recommandations d’Emmanuel : discipline et travail. Il était doté de tous les types de médiumnité, mais il concentra ses efforts, comme cela lui avait été recommandé, sur la tâche principale de son mandat médiumnique – la psychographie – en recevant des messages en langues étrangères – en anglais, italien, allemand, grec et même en sanscrit. Plus de 600 auteurs spirituels, chacun dans son style, ont écrit sur les sujets les plus divers. Les oeuvres (16), reçues de l’Esprit André Luiz, à partir de 1943, contiennent des révélations très importantes qui anticipent les connaissances scientifiques. Emmanuel, en plus de l’oeuvre doctrinaire proprement dite, a écrit une série de romans historiques de la plus haute valeur littéraire.
Le caractère sérieux des messages psychographiés par Chico Xavier a rompu les barrières littéraires et ceux-ci ont servi dans le Pouvoir Judiciaire, en tant que preuves dans deux procès de meurtre, dans les États de Goiás et de Mato Grosso. Dans les deux cas, les victimes innocentaient l’accusé ; la richesse de détails qui coïncidaient avec les allégations des accusés, a convaincu les juges et ainsi ceux-ci ont été innocentés.
Toute cette oeuvre gigantesque, que nous appelons l’oeuvre Chico Xavier-Emmanuel, est basée sur les enseignements d’Allan Kardec. Il n’y a aucune divergence, mais au contraire, une continuation.
Avec tous ces écrits, Chico Xavier est un phénomène de l’édition avec plus de 30 millions d’exemplaires vendus : le livre « Notre Demeure », d’André Luiz, a déjà atteint la marque de deux millions d’exemplaires ; « Cherche et tu Trouveras », un recueil de messages, en a déjà vendu près de 280 mil. Malgré cela, il est mort aussi pauvre qu’à sa naissance ; il a toujours vécu modestement avec le salaire qu’il recevait de fonctionnaire public : toutes les recettes de ses livres étaient versées à des institutions de charité.
Lorsque nous nous penchons sur l’ensemble de son oeuvre, nous comprenons la révélation des Esprits sur le transfert de l’arbre de l’Évangile vers le Brésil. À cause des luttes fratricides qui se sont déclenchées en Europe, à la fi n du XIXe siècle et au début du XXe siècle, la Spiritualité a dû transporter vers la patrie brésilienne la mission du Consolateur.
Si l’oeuvre du médium étonne par son côté grandiose, sans aucun doute son exemple de vie émeut et enrichit les âmes. S’il a été donné à Kardec d’idéaliser l’oeuvre magnifique qui est celle de l’Évangile selon le Spiritisme, Chico Xavier a eu pour mission de la répandre avec l’exemple de sa vie. Il est même devenu le symbole de la Doctrine Spirite elle-même. Comme « l’Homme de bien » décrit dans ces ouvrages, il a vécu la médiumnité dans ce qu’elle a de plus beau – son caractère consolateur – en adoucissant les peines de ses frères. Sa production médiumnique est le reflet de son coeur plein d’amour pour l’humanité ; même âgé et malade, il n’a jamais nié à ceux qui le recherchaient la consolation et l’orientation. En suivant l’exemple du Christ, il savait que les malades avaient besoin de médecin et, sans tenir compte des croyances professées, des idéologies, des positions sociales, il recevait tout le monde, en leur offrant confort et espoir. C’est pour cela que les assoiffés de lumière, les pauvres et les handicapés, les affamés de foi et les désespérés ont reconnu en lui un apôtre de l’amour chrétien et suivent son exemple. Chico Xavier est devenu point de référence dans l’Histoire du Spiritisme au Brésil.
L’humilité qu’il a toujours cultivée, ne l’a pas empêché d’être aimé et reconnu par des millions de Brésiliens de toutes les croyances. Parmi les richesses que le Brésil peut offrir au monde, la vie exemplaire de Chico Xavier est, sans aucun doute, une des plus importantes.