Des débuts fastidieux
On attribue les débuts du spiritisme aux coups frappés dans les murs de la maison familiale des sœurs Fox, à Hydesville en 1848[1]. Un code avait alors été établi afin de permettre la communication : 1 coup pour oui, 2 coups pour non, puis on en est venus, rapidement, à déterminer un nombre de coups en fonction des lettres de l’alphabet.
Les tables rondes avec un pied central, capable de se lever aisément, offraient alors un instrument de communication facile, susceptible de se développer dans le monde entier et, encore aujourd’hui, elles symbolisent pour beaucoup le spiritisme. Pourtant, en suivant le conseil des Esprits dès ses débuts, le mouvement spirite a énormément évolué, comme le prouve Allan Kardec en nous racontant la progression des moyens de communication dès son deuxième ouvrage le Livre des Médiums[2] paru en janvier 1861 : « On simplifia successivement ce moyen en se servant de petites tables grandes comme la main, faites exprès, puis de corbeilles, de boîtes de carton, et enfin de simples planchettes. L’écriture était aussi courante, aussi rapide et aussi facile qu’avec la main, mais on reconnut plus tard que tous ces objets n’étaient, en définitive, que des appendices, véritables porte-crayons dont on pouvait se passer, en tenant soi-même le crayon ; la main, entraînée par un mouvement involontaire, écrivait sous l’impulsion imprimée par l’Esprit, et sans le concours de la volonté ni de la pensée du médium. »
La technologie en plus
On le voit, les Esprits se sont toujours adaptés, au fur et à mesure de notre propre évolution, et ils continuent de le faire. En effet, on constate, de plus en plus souvent, qu’ils font appel aux nouvelles technologies pour se manifester. On connaît bien aujourd’hui le phénomène de la TCI, ou Trans Communication Instrumentale, qui cherche à enregistrer la voix des morts.
Dès les premiers appareils technologiques, des scientifiques ont tenté ces expériences, à commencer par le grand inventeur Thomas Edison (1847-1931), issu d’une famille spirite, qui a consacré les dix dernières années de sa vie à créer un appareil pour communiquer avec les morts, le nécrophone, mais sans grand succès.
Le premier enregistrement spontané est dû au peintre et producteur de cinéma suédois Friederich Jürgenson (1903-1987). C’était en 1959, alors qu’il avait voulu enregistrer des chants d’oiseaux dans la nature, l’écoute de la bande son a révélé des voix humaines qu’il n’avait pas perçues sur place. En écoutant alors plus attentivement l’enregistrement, il a reconnu la voix de sa défunte mère, s’exprimant dans sa langue natale, le norvégien, et l’appelant par son surnom : « Friedel, mon petit Friedel, peux-tu m’entendre ? ».
Jürgenson s’est ensuite consacré à ce phénomène, appelé alors EVP (pour « Phénomène de Voix Électronique » en anglais), en enregistrant des centaines de voix dans les quatre années suivantes qui ont donné naissance à son premier livre « Les voix de l’espace ».
Le père Brune a aussi considérablement fait Connaître ce phénomène avec son livre Les morts nous parlent. Les nombreuses conférences et émissions qui ont suivis ce succès de librairie permettaient à tous d’écouter des enregistrements attribués à l’au-delà.
Les Esprits avaient déjà annoncé à Allan Kardec cette évolution, comme on le voit à la question 934 du Livre des Esprits : « La perte des personnes qui nous sont chères n’est-elle pas une de celles qui nous causent un chagrin d’autant plus légitime que cette perte est irréparable, et qu’elle est indépendante de notre volonté ?
- Réponse : Cette cause de chagrin atteint le riche comme le pauvre : c’est une épreuve ou expiation, et la loi commune ; mais c’est une consolation de pouvoir communiquer avec vos amis par les moyens que vous avez, en attendant que vous en ayez d’autres plus directs et plus accessibles à vos sens. »
La technologie au service des défunts
Nous vous laissons retrouver plus de précisions sur l’histoire de la TCI dans le livre richement illustré de Luis Hu Rivas, « Transcommunication facile »[3].
Dans cet article, nous aimerions plutôt nous arrêter, non pas sur les enregistrements recherchés, mais bien sur les manifestations spontanées, inattendues (à entendre dans son véritable sens du terme : que l’on n’attend pas…), des communications normalement impossibles qui ont pourtant eu lieu sur des téléphones portables ou fixes, sur des répondeurs téléphoniques, sur des écrans de télévision ou d’ordinateur, et ce même si les appareils étaient éteints, voire débranchés ou hors d’usage.
La plupart du temps, celui qui reçoit un appel de l’au-delà ne sait même pas que ce genre de phénomène existe, voire ignore tout d’une vie après la mort et parfois, il ne sait même pas encore qu’un décès a eu lieu. Il n’y a donc, ici, aucune intention d’établir une communication, contrairement à la TCI classique.
Hormis l’intéressant ouvrage de Laurent Kasprowicz « Des coups de fil de l’au-delà » [4], écrit après avoir lui-même vécu ce phénomène totalement involontaire et surprenant, on trouve encore assez peu de littérature sur ce sujet, mais comme les témoignages se font de plus en plus nombreux, les chercheurs ne devraient pas tarder à avoir plus de matière à étudier. Kasprowicz cite deux ouvrages de référence sur ce phénomène ; le premier, écrit par Scott Rogo et Raymond Bayless, est paru aux États Unis en 1979, sous le titre « Phone Calls from the dead » (les Appels téléphoniques des morts). Le second n’est paru qu’en 2012 en Angleterre, sous la plume de l’universitaire Callum Cooper.
Le Père Brune, dans son best-seller Les morts nous parlent [5], consacre un chapitre à ce phénomène. Il y explique ainsi le silence autour des appels téléphoniques de l’au-delà : « Ces faits sont encore peu connus pour bien des raisons. Ceux auxquels ils arrivent n’osent en parler de peur de passer pour être sérieusement « dérangés ». Ignorant que cela est déjà arrivé à d’autres, ils finissent par en douter eux-mêmes. Dans certains cas, heureusement, il y a plusieurs témoins. »
Un appel perturbant
Il faut bien admettre qu’il y a de quoi se sentir particulièrement « perturbé » lorsque, vaquant à nos occupations quotidiennes, on entend le téléphone sonner et, quand on décroche, on reconnaît alors la voix d’une mère ou d’un enfant qu’on avait enterré et donc cru perdu à jamais. Le phénomène peut se produire à tout moment, du jour du décès à plusieurs années après. Il y a même des témoignages faisant état d’appels pendant une phase de coma profond, juste avant le départ pour l’au-delà.
Prenons un exemple incroyable, tiré du livre de Kasprowicz et intitulé « Il me dit de transmettre ses adieux à sa fille » : Nicolas R, 38 ans, témoigne avoir reçu, un samedi après-midi il y a 10 ans, un appel sur son portable qui l’a tiré de sa sieste. Lorsqu’il décroche, une voix masculine, avec un fort accent polonais, lui dit être dans le coma dans un hôpital de Varsovie et lui demande de transmettre ses adieux à sa fille Manue, qui est effectivement la voisine et amie de Nicolas et sa compagne. Le témoin ayant un demi-frère polonais, il réussit à comprendre les mots prononcés mais pas la situation. Comment ce Polonais peut-il l’appeler alors qu’il dit être dans le coma ? Il sait bien pourtant ne pas avoir rêvé cet appel.
Lorsque Manue rentre de vacances une semaine plus tard, elle apprend au couple de ses voisins que son père est décédé à la suite d’un coma dans un hôpital de Varsovie. L’appel reçu est tellement improbable que Nicolas n’ose pas lui en parler et c’est sa compagne qui transmettra donc à la fille les incroyables adieux de son père la semaine suivante.
Cet exemple est intéressant, car il montre également que les Esprits peuvent passer par une tierce personne, choisie pour être assez proche et avoir des bases linguistiques suffisantes pour transmettre un message aussi particulier.
Des circonstances variables
Comme pour les autres communications spirites, le délai, plus ou moins rapide, séparant le décès du message ainsi que l’évolution spirituelle du défunt influent considérablement sur la qualité de la communication.
« Dans nombre de ces appels, le trépassé semble ne pas avoir compris qu’il n’appartenait plus à notre monde. Ceux qui appellent peu après leur mort ont l’air souvent un peu égarés et l’appel est bref. Ceux qui, au contraire, ont fait le grand passage depuis un certain temps, s’expriment plus posément et plus longtemps»[6].
On voit que, parfois, le défunt ne sait même pas encore qu’il s’est désincarné et c’est la même chose pour celui qui reçoit l’appel et qui ne sait pas forcément qu’il est en train de parler en fait avec un mort. Citons pour exemple un cas, emprunté par Callum Cooper aux archives de Scott Rogo : un
On voit que, parfois, le défunt ne sait même pas encore qu’il s’est désincarné et c’est la même chose pour celui qui reçoit l’appel et qui ne sait pas forcément qu’il est en train de parler en fait avec un mort. Citons pour exemple un cas, emprunté par Callum Cooper aux archives de Scott Rogo : un jeune homme loue une chambre dans un gîte pour ses vacances. Il est surpris d’entendre un soir très tard, à 23h13 exactement, le vieux téléphone de cette chambre sonner. C’est son père qui est au bout du fil et qui lui dit « Ah, te voilà. Ta mère essaye de te joindre. Appelle-la, elle a un message pour toi. »
Le jeune homme propose alors à son père de lui passer sa mère pour la rassurer directement, mais le père lui répond qu’il ne peut pas, car il n’est pas avec elle. Le fils s’en étonne en lui demandant où il est et le père répond alors qu’il est dans un très bel endroit, lui rappelle qu’il doit appeler sa mère puis le salue.
Le lendemain, le jeune homme découvre que le téléphone n’était qu’un objet de décoration donc même pas branché. Lorsqu’il appelle sa mère, elle lui dit qu’elle a désespérément cherché à le joindre dans la nuit pour lui faire part de la crise cardiaque subite et fatale de son père, décédé la veille à l’heure précise où le jeune homme recevait l’appel.
Rogo et Bayless citent un autre cas qui permet d’éliminer toute suspicion d’influence par télépathie et prouve que le chagrin n’est pas forcément impliqué dans la production du phénomène. Une femme, Marie, voit en rêve son amie d’enfance Lana se noyer dans une piscine remplie de sang. Au réveil, elle s’empresse d’appeler son amie qui lui répond être malade, à l’hôpital, mais avoir eu une permission de sortie juste pour la journée. Bizarrement, Lana rejette l’idée d’une visite et propose de la rappeler plus tard. Mais plusieurs jours passent sans nouvelles alors Marie, inquiète, lui téléphone. Sans réponse et souhaitant avoir des nouvelles, elle appelle une voisine qui l’informe que Lana est en fait décédée depuis déjà 6 mois. Notons que, dans ce cas, ce n’est pas le défunt qui passe l’appel téléphonique, mais il n’en demeure pas moins qu’il reste en capacité de répondre au téléphone, comme le ferait n’importe quel vivant...
Des motivations classiques
Comme pour nous, « vivants sur Terre », le motif de ces appels peut-être le besoin, l’envie, pour le désincarné, d’établir un contact avec ceux qu’il a laissé, parfois dans le but de les consoler, les réconforter en leur apportant la preuve de la survivance de l’Âme. Les désincarnés semblent être attentifs au calendrier puisque dans 1 cas sur 10 environ, les appels ont lieu à une date anniversaire ou significative. L’enquête effectuée pour satisfaire aux besoins de la thèse de Callum E. Cooper en 2010, qui recoupe celle réalisée par Rogo et Bayless 30 ans plus tôt, révèle que 6 % des appels sont passés pour prévenir d’un danger imminent. Dans un tiers des cas, il y a de l’électricité statique sur la ligne et, souvent, la voix du désincarné semble lointaine.
Il y a aussi des cas où le défunt n’appelle pas directement mais s’interpose dans une conversation entre deux vivants. C’est ce qui est arrivé à une maman endeuillée par la mort de sa fille, alors âgée de 20 ans, et dont le cas est rapporté par le Père Brune dans son livre Les morts nous parlent :« Un beau jour, alors que sa mère téléphonait à une amie, soudainement la voix de la jeune fille intervint au milieu de la conversation. Non pas pour y prendre part, mais simplement pour se manifester, redire sa tendresse avec les diminutifs familiers qui rétablissent si vite l’intimité perdue. Certaines personnes particulièrement sujettes à ce genre de phénomène finissent par enregistrer systématiquement tous leurs appels téléphoniques. C’était ici le cas. La mère m’a fait entendre la cassette. La voix de la fille est faible mais parfaitement reconnaissable, avec la prononciation très rapide si caractéristique des voix de trépassés enregistrées sur magnétophone. Les exclamations de la mère et de sa correspondante fusent. La maman remercie mais n’ose pas demande. La correspondante s’en charge et demande à la jeune fille, si elle le peut,de recommencer. Et à trois ou quatre reprises, les mots reviennent : « Je suis heureuse… maman je t’aime. »
Vers une ouverture aux technologies
Les désincarnés ne se contentent pas de téléphoner, mais peuvent aussi envoyer des textos. Parmi divers exemples cités dans le livre de Kasprowicz, nous avons choisi de vous partager le témoignage de Didier qui a perdu son compagnon « JP » un 14 septembre à 10h15. Les jours qui ont suivi, il n’arrêtait pas de le supplier pour avoir un signe. Le 21 septembre, soit une semaine précise après le décès, alors qu’une amie l’avait forcé à sortir prendre un peu l’air, il reçoit un texto, à 10h15 précise, et lit : « Surtout ne t’inquiète pas ! Je suis bien arrivé, promets-moi de prendre soin de toi. Je t’aime. JP » Didier, totalement abasourdi, fait lire le message à son amie qui lui suggère de vite rappeler le numéro, mais ils sont tombés sur un répondeur leur annonçant que le numéro n’était pas attribué. La cinquantaine de tentatives suivantes donnera le même résultat : impossible de comprendre d’où pouvait provenir ce SMS, une semaine après le décès, à la minute près.
En 2011, les médias américains se sont fait l’écho de e-mails provenant d’un désincarné. En effet, des captures écran montraient les e-mails que Jack Froese, décédé 5 mois plus tôt d’une crise cardiaque subite, à l’âge de 32 ans, a envoyé à sa famille et ses amis leur parlant de sujets connus d’eux seuls. Par exemple, dans le premier mail adressé à son meilleur ami, il écrit ; « Hey, tu m’entends ? Je suis en train de nettoyer ton… de grenier ». Or c’était une blague entre eux de parler du désordre et de la saleté de ce grenier. Peu après, c’est son cousin qui a reçu un e-mail lui conseillant de bien soigner la cheville qu’il s’était blessé pendant un rock, alors que l’accident avait eu lieu après le décès de Jack. On peut donc écarter l’idée que ces e-mails aient été écrits avant le décès et soient restés bloqués plusieurs mois dans la boîte d’envoi.
Nécessité d’un médium
Ce phénomène spontané nécessite du fluide médiumnique, mais pas forcément la volonté du médium qui, souvent, ignore même qu’il a ce type de faculté développée comme nous l’explique Allan Kardec dans Le Livre des Médiums, aux questions 14 à 16. Il parle alors des tables, mais c’est exactement le même phénomène avec un téléphone ou autre appareil technologique :
« Le fluide propre du médium se combine avec le fluide universel accumulé par l’Esprit ; il faut l’union de ces deux fluides, c’est-à-dire du fluide animalisé avec le fluide universel, pour donner la vie à la table. Mais remarquez bien que cette vie n’est que momentanée ; elle s’éteint avec l’action, et souvent avant la fin de l’action, aussitôt que la quantité de fluide n’est plus suffisante pour l’animer ».
- 15. L’Esprit peut-il agir sans le concours d’un médium ?
« Il peut agir à l’insu du médium ; c’est-à-dire que beaucoup de personnes servent d’auxiliaires aux Esprits pour certains phénomènes, sans s’en douter.
L’Esprit puise en elles, comme à une source, le fluide animalisé dont il a besoin ; c’est ainsi que le concours d’un médium tel que vous l’entendez n’est pas toujours nécessaire, ce qui a lieu surtout dans les phénomènes spontanés ».
- 16. La table animée agit-elle avec intelligence ? Pense-t-elle ?
« Elle ne pense pas plus que le bâton avec lequel vous faites un signe intelligent, mais la vitalité dont elle est animée lui permet d’obéir à l’impulsion d’une intelligence. Sachez donc bien que la table qui se meut ne devient pas Esprit, et qu’elle n’a, par elle-même, ni pensée, ni volonté ».
Rien ne s’oppose donc à ce que, utilisant le fluide d’un médium qui s’ignore, un désincarné utilise un instrument de technologie récent pour se communiquer. Cela peut les aider, plus particulièrement, à toucher ceux qui sont totalement réfractaires aux idées de survivance de l’âme et qui n’iront donc pas chercher de consolation en ce sens mais qui, un jour, décrocheront leur téléphone comme ils le font habituellement, mais ce jour-là, c’est un grand choc qui les attend...
[1] Notons que les prémisses d’un code de communication avec les Esprits ont été posées par les sœurs Fox, dans la nuit du 31 mars 1848. Cette date est donc celle qui marque les débuts du spiritisme. C’est « étrangement », 21 ans plus tard, jour pour jour, le 31 mars 1869, qu’Allan Kardec, le codificateur du spiritisme se désincarnera.
[2] Allan Kardec, Le Livre des Médiums, aux éditions Philman, fin du chapitre 3 « Manifestations intelligentes »
[3] Luis Hu Rivas, Transcommunication Facile aux Éditions Philman
[4] Laurent Kasprowicz, Des coups de fil de l’au-delà, Guy Trédaniel éditeur, nouvelle édition de 2023
[5] François Brune, Les morts nous parlent, sortie du Tome 1 en 1988, enrichi d’un tome 2 en 2006, cf. le chapitre 5 « Les appels téléphoniques de l’au-delà » de la partie 1, « Personne ne meurt »
[6] François Brune, Passim