Pâques : une période de renaissance
Avril, c’est le mois de Pâques, fête la plus importante de l’année pour les Chrétiens et la plus ancienne aussi, car on en trouve trace dès le IIème siècle. Elle célèbre la résurrection de Jésus-Christ, phénomène qui est au cœur de la foi. En effet, comme le disait Saint Paul : « Si le Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine ». Léon Denis développe brillamment ces propos dans son livre Christianisme et Spiritisme : « La flamme d'enthousiasme qui animait les apôtres, l'énergie invincible des martyrs, avaient leur source dans la résurrection de Jésus. Le considérant comme un homme semblable à eux, ils voyaient dans cette résurrection la preuve manifeste de leur propre immortalité. »[1]
Ce n’est évidemment pas un hasard si la période de Pâques marque aussi le début du printemps avec la nature qui renaît à la vie, nous permettant de retrouver souvent un regain d’énergie propice à accompagner comme il se doit ce nouvel élan.
Depuis des temps très lointains, de nombreuses civilisations célèbrent au printemps, la renaissance de la nature après de longs mois d’hiver. Et, comme il est souvent de coutume chez nos lointains ancêtres, on offre alors à une divinité les prémices des cultures afin de favoriser une moisson abondante.
L’œuf
A Pâques, ce sont les œufs qui sont offerts, pour une raison bien simple : Pâques marque la fin de Carême, période de jeûne et d‘abstinence durant laquelle on est censés ne pas consommer d’œufs. Mais, comme on ne peut pas empêcher les poules de pondre, on conservait les œufs qu’on pouvait ensuite offrir pour la fête de pâques afin « d’écouler les stocks ».
Même si la raison en est logique, notons que ce symbole de Pâques correspond bien tout de même à cette période de résurrection, de renaissance. En effet, porteur du germe de vie, puisqu’il englobe la vie à venir qui va en éclore, l’œuf est un symbole de vie dans la plupart des civilisations depuis des temps très anciens, et ce bien avant les traditions de Pâques.
On parle aussi communément de l’œuf cosmique qui symbolise le chaos et duquel est issu le monde. Sa forme ovale qui suggère l’infini, fait en effet de l’œuf la représentation idéale de la renaissance et la régénération du cycle de la vie.
Le passage
Si la Pâques chrétienne célèbre la résurrection de Jésus, il existait déjà auparavant une Pâque juive, la Pessa’h, puisque Jésus s’était rendu à Jérusalem justement pour cette fête.
La Pessa’h, qui peut se traduire par le passage, commémore la sortie d’Égypte du peuple hébreu, avec la mer qui s’est miraculeusement ouverte devant eux pour les laisser passer, puis refermée sur les soldats qui les pourchassaient. Les hébreux sont donc devenus libres après ce passage à travers la mer de la mort. Et, ici aussi, ce n’est évidemment pas un hasard si Jésus a été crucifié au moment même de la commémoration de ce passage.
L’agneau sacrifié
Selon la Bible, avant la traversée de la Mer Rouge, Dieu aurait donné l’ordre à Moïse de sacrifier un agneau indemne de toute tare par famille et de s’en servir pour marquer leurs portes du sang de cet agneau sacrifié. Cette distinction devait leur permettre d’éviter l’une des 10 plaies d’Égypte en épargnant leurs premiers nés de la mort.
La crucifixion de Jésus, au moment même où l’on commémore ce passage en gardant le rituel de l’agneau sacrifié, indique bien que le fils de Dieu s’est sacrifié pour sauver l’humanité de ses péchés. Par son sacrifice, Jésus-Christ est devenu « l’Agneau de Dieu qui enlève les pêchés du monde ». Ainsi, ce n’est plus par le sang des animaux que se conclut l’Alliance entre Dieu et les hommes, mais bien par le sacrifice volontaire de Jésus.
Jésus était pleinement conscient de ce qu’il allait vivre, du sacrifice qu’Il s’apprêtait à faire pour sauver l’humanité. L'agneau étant le symbole de l’innocence, de la douceur et de la bonté, il symbolise également la soumission du chrétien à la volonté de Dieu.
La résurrection
La Pâques Chrétienne (que l’on distingue de la Pâque juive par l’ajout d’un « s »), commémore la résurrection du Christ, 3 jours après la Cène, qui est le dernier repas pris par Jésus avec Ses disciples le jour de la Pâque juive. La Cène est célébrée le Jeudi saint, puis les cloches se taisent en signe de deuil, pour ne « renaître à la vie » que le dimanche de Pâques.
A titre d’anecdote, précisons que pour expliquer le silence des cloches depuis le jeudi saint, on disait aux enfants que les cloches étaient parties à Rome. Elles en revenaient le dimanche de Pâques, en carillonnant à toute volée pour annoncer la résurrection du Christ, chargées de friandises qu’elles laissaient tomber au passage dans les jardins, dans les prés, ou même parfois jusque dans les appartements.
La réincarnation
Le sens de Pâques est donc la victoire de la vie sur la mort, mais, outre la terminologie, quelle serait la véritable différence entre la résurrection qui signifie se relever (d’entre les morts) et la réincarnation dont l’étymologie implique le retour dans la chair ? Précisons ici que, même si l’idée du retour dans un corps est très ancienne, le mot « réincarnation », communément employé de nos jours, n’est apparu que très tardivement, plus exactement au XIXe siècle, sous la plume d’Allan Kardec dans son premier ouvrage spirite Le Livre des Esprits paru en 1857. Le livre débute d’ailleurs par ces mots : « Pour les choses nouvelles, il faut des mots nouveaux » [2]. La nécessité de ce mot nouveau est donc évidemment soulevée dans l’ouvrage, plus particulièrement aux questions 1010 et 1011 du chapitre sur la résurrection de la chair.
Dans son livre Christianisme et Spiritisme, Léon Denis, s’appuyant également sur l’ouvrage la Rénovation religieuse de l’Abbé Petit, nous l’explique en d’autres termes :
"D'après les textes, la résurrection prise dans le sens spirituel, c'est la renaissance à la vie de l'au-delà, la spiritualisation de la forme humaine pour ceux qui en sont dignes, et non l'opération chimique qui reconstituerait des éléments matériels ; c'est l'épuration de l'âme et de son périsprit, canevas fluidique sur lequel le corps matériel est formé pour le temps de la vie terrestre. (…) Plusieurs théologiens adoptent cette interprétation, en donnant aux corps ressuscités des propriétés inconnues à la matière charnelle, en les faisant « lumineux, agiles comme des Esprits, subtils comme l'éther, et impassibles. Tel est le véritable sens de la résurrection des morts, comme l'entendaient les premiers chrétiens. Si l'on voit, à une époque postérieure, apparaître dans certains documents, et en particulier dans le symbole apocryphe des apôtres, le mot de résurrection de la chair, c'est toujours dans le sens de réincarnation, c'est-à-dire de retour à la vie matérielle, acte par lequel l'âme revêt une nouvelle chair pour parcourir le champ de ses existences terrestres. »
La renaissance
La date de Pâques ne se calcule pas sur le calendrier solaire utilisé habituellement, mais sur le calendrier lunaire, plus proche de la Nature. On célèbre donc Pâques le premier dimanche qui suit la Pleine Lune après l’équinoxe du printemps. A cette période de l’année, malgré nos vies modernes, de plus en plus déconnectées des rythmes naturels, notre sensibilité peut nous amener à ressentir comme une agitation interne qui favorise la réflexion sur le monde et sur soi. Notre corps et notre mental se préparent à sortir de l’hiver pour renaître au printemps, comme la nature nous y invite par son bel exemple. On laisse le passé (ou l’hiver) derrière soi et on se prépare à la nouvelle vie qui s’ouvre devant soi.
On le sait : le but essentiel du spiritisme c’est de travailler à son amélioration, sans prendre l’excuse d’un report des efforts à une vie future, cela va de soi… On peut profiter pleinement de cette période de renaissance de la nature pour renaître aussi à une vie nouvelle, non pas dans le sens d’une réincarnation, car on reste évidemment dans la même chair, mais bien dans le sens d’un nouveau départ, avec de nouveaux objectifs, de nouvelles manières de penser et d’agir qui vont nous rapprocher de la perfection visée.
Profiter de l’énergie du printemps, ce serait alors chercher à faire un grand saut d’un coup, au lieu de se contenter de faire de petits pas comme le reste de l’année. A chacun de déterminer où doivent porter leurs efforts. Ce qui compte, c’est vraiment de profiter de cet élan donné par la nature au moment précis où le sacrifice de Jésus nous est rappelé par les fêtes de Pâques.
Notons au passage que c’est à cette période de renaissance que sont retournés à la vie spirituelle Allan Kardec, le codificateur du Spiritisme, désincarné un mercredi 31 mars 1869, soit 3 jours après le dimanche de Pâques, ainsi que Léon Denis, désincarné le mardi 12 avril 1927 pendant la semaine de Pâques.
Instruction des Esprits
Terminons par un texte, d’« instruction des Esprits » paru dans le Bulletin Le Spiritisme à Lyon du 15 avril 1868 qui montre bien l’importance de la résurrection de Jésus pour un croyant.
« Chaque année, depuis que nous vous donnons des instructions, nous vous rappelons cette grande époque de la mort du Christ, et surtout les principes d'amour et de religion qu'il est venu vous donner ; nous vous répétons ses mémorables paroles sur le Calvaire, et nous vous encourageons à vous aimer et à vivre dans la concorde et la sympathie.
Dieu a voulu que le souvenir du Christ se perpétuât dans vos cœurs ; il vous a donné l'intuition de ses grandes douleurs afin qu'elles puissent éterniser sa mémoire dans votre âme. Vous avez eu bien des martyrs depuis Jésus, vous avez assisté à de sanglants holocaustes, mais votre mémoire n'a gardé de souvenir qu'à l'action et au nom du héros, tandis que plus votre intelligence se développe, plus l'amour que le Christ vous inspire grandit dans votre cœur et rayonne dans vos pensées. D'où vient qu'après dix-huit siècles passés vous vous apitoyez encore sur le supplice du Martyr bien-aimé et que vous n'avez pour les apôtres crucifiés, pour les martyrs dévorés dans les arènes, ni un regard de pitié ni une parole affectueuse ? C'est que vous sentez en vous le bouillonnement de ces gouttes de sang que l'auréole d'épines de Jésus a fait jaillir sur vous et que votre âme s'est sentie régénérée par cette goutte d'un sang si précieux ; c'est que vous attendez le retour du Messie, vous savez qu'il viendra, vous vous préparez à le recevoir ; il est pour vous l'époux bien-aimé qui assure votre avenir, il est l'étendard de la liberté vers laquelle vous aspirez tous, il est en vous comme vous êtes en lui, car vous faites partie de cette humanité qu'il étreignait dans ses bras, lorsqu'il disait à Dieu : « Pardonnez-leur, oh! mon Père, ils ne savent ce qu'ils font », et qu'entre le Sauveur et le sauvé il y a une affinité que rien ne peut rompre; il y a surtout ce lien indissoluble que l'homme a reçu de Dieu le jour où le Christ est venu sur terre, et qui rattache l'homme à cette demeure du père où Jésus vous attend.
C'est en vain que les scribes ont cru que tout était fini avec la mort du juste ; ils n'ont arrêté l'élan du
progrès que pour lui donner une marche plus vive et pour que l'impulsion religieuse grandisse dans toutes les âmes. Christ était plus près de vous, lorsqu'après cette descente de croix Il allait en esprit au-devant de ses disciples; Son intervention pour vous sauver était plus puissante que jamais : n'avait-Il pas remporté la victoire? N'était-Il pas le triomphateur de l'idée, l’abolitionniste de l'esclavage? D'ailleurs, la mort corporelle n'est-elle pas une surprise pour Lui ? Il savait à l'état d'Esprit toute la mission dont Il avait accepté le mandat, et lorsque Son Esprit attaché à son corps parlait à ses disciples, Il leur répétait souvent : Encore un peu de temps et vous ne me verrez plus. Il leur annonçait ainsi sa fin, et souvent encore Il disait : « Voilà que l'heure s'approche où le Fils de l'homme va être livré pour être jugé ». Sans doute Son agonie fut douloureuse ! Dieu ne lui avait-il pas imposé la nécessité de vivre comme les autres hommes, afin qu'on ne cherchât pas plus tard à dire qu'Il avait un corps fluidique ? Sans doute, Il souffrit avec amertume, car Il but le calice jusqu'à la lie ; mais cette souffrance, ces humiliations étaient encore pour resserrer les liens avec l'humanité. Auriez-vous accepté les principes d'une religion fondamentale s'ils vous eussent été apportés par Socrate ou Platon, ou un des Sages de la Grèce ? Vous eussiez traité ces enseignements d'utopie, et vous erreriez encore épars dans ce vaste champ de la vie, sans conducteur et sans but pour vous rallier quand le temps serait venu de le faire; mais cette croix, ce gibet sur lequel expire une douce créature dont les yeux mourants trouvent encore une expression pour vous sourire, ce corps nu, ce côté dont le sang se tarit, cette couronne d'épines dont chaque pointe déchire le front de l'homme qui n'a d'autre crime à se reprocher que d'être venu pour vous sauver. Tous ces souvenirs vous rapprochent de Jésus. Vous l'enlacez dans vos bras, vous venez bien près, plus près pour l'entendre, car vous l'aimez, ce martyr, vous savez que tout n'est pas fini entre vous et Lui, vous comprenez bien que son œuvre n'est pas achevée et qu'il reviendra pour mettre le dernier mot à cette phrase régénératrice qui lui faisait dire : « Avant que cette génération ne passe il arrivera de grandes choses. » Voyez, en effet, là-bas, à l'Orient, une croix, un homme expirant, des bourreaux, une étoile brillante qui commence à rayonner sur le petit coin de terre ou Dieu l'a placée, et puis l'étoile grandit, le baptême régénère les plus insouciants, ils reçoivent l'inspiration céleste, ils deviennent des prophètes. Dieu enlève de leurs yeux le bandeau qui cachait la vérité; l'étoile brille de nouveau.
La doctrine se propage, elle va, elle avance, des missionnaires vous l'apportent ; la terre se peuple, les hommes se font chrétiens; la croix, dont le symbole devient un signe de ralliement, étend ses bras à mesure que le Christ est plus aimé, plus écoulé; son souvenir fait des martyrs, son sang fertilise l'intelligence; rien ne voile son éclatante vérité, et lorsque Dieu vous fait une faveur nouvelle , lorsqu'une révélation vous prouve cette constante application de l'esprit avec l'Esprit qui vient encore vous dire : « Voilà que je reviens ». C'est le Christ ! son manteau couvre le passé, il vient dans sa gloire, et nous ne pouvons que vous répéter ce qu'Il disait dans l'Apocalypse : « Bienheureux celui à qui il sera donné de connaître mon nouveau nom. »