Ce mois-ci, nous vous présentons l'histoire de La mère abandonnée à partir des consciences recherches de Gilles Lameire, parues sous le titre La Croix brisée sur le globe : apparitions de la Sainte Vierge à Lyon (1997) aux éditions Résiac.
Cet auteur s’est principalement basé sur deux brochures (1) et divers articles d’époque. Ils font état d’un dossier du diocèse de Lyon, archivé sous le nom « La voyante de la Croix Rousse » contenant, entre autres, le récit des deux premières visons que la jeune Anne-Marie Coste dit avoir eu de la Vierge Marie et la guérison miraculeuse qu’Elle lui aurait accordée comme preuve de sa présence en janvier 1883.
Naissance dans une famille très croyante
Anne-Marie Coste, appelée Annette, naît à Lyon le 3 août 1861, dans une famille très pieuse. Étant jeune, la mère d’Anne-Marie, placée comme servante dans le faubourg de Vaise, voulait devenir religieuse. Elle est allée demander son avis au bon curé d’Ars qui lui a plutôt conseillé d’épouser Jean Coste, un brave tailleur de pierre. Après le mariage, le 20 octobre 1859, le couple, installé 38 rue de Saint Cyr à Lyon Vaise, tarde à avoir des enfants, alors ils entament une neuvaine en allant, neuf jours de suite, pieds nus, jusqu’à la petite chapelle de Fourvière (la Basilique n’était pas encore construite) pour écouter la messe, prier et communier. Notre Dame de Fourvière leur accorde ainsi, peu après, la grâce de voir naître la petite Anne-Marie.
Madame Loizeau écrit : « Une couveuse la reçut. Elle resta très délicate. Quelque temps après, le bon père Chevrier (2), allant voir une malade dans la maison, se trompa de porte et entra chez les Coste. Voyant l’enfantelet dans son berceau, il la bénit, et cette bénédiction s’imprima profondément dans l’âme de la mignonne créature ». Neuf autres enfants suivront et viendront illuminer la famille qui vit certes très chichement, mais qui garde toujours foi et confiance en Dieu. La petite Anne-Marie semble déjà bénéficier d’une belle union avec les forces célestes sur lesquelles elle s’appuie à tout moment, car, grâce à sa confiance en Dieu, ses prières lui permettent d’obtenir bien souvent, le juste nécessaire, comme le montrent divers exemples dans le livre de Gilles Lameire.
La pieuse enfant a une dévotion toute particulière pour Notre Dame de Fourvière qu’elle appelle familièrement « Bonne Mère ». Mais elle est l’aînée et elle doit donc très tôt aider ses parents par de nombreuses tâches domestiques.
"Anne-Marie Coste avant son entrée en religion"
Souffrances et maladies
Elle a 14 ans lorsque, voulant aider sa mère à porter une balle de linge mouillé, elle glisse et tombe si mal qu’elle en devient infirme. Puis les maladies s’enchaînent avec une « tuberculeuse osseuse et pulmonaire, des plaies cancéreuses dont on extrayait, avec des vers, des os cariés ». Elle en arrive à devoir porter un lourd corset de fer et à rester hospitalisée à l’hôpital de la Croix Rousse, quasiment en continu entre ses 18 et 21 ans, à travers 4 longs séjours successifs.
C’est ainsi que, sur plus de 40 mois, elle ne passera que 4 petits mois à l’extérieur de l’hôpital. Douleurs intenses et tourments constants étaient donc le quotidien de cette jeune fille, mais, « à mesure que le corps de la pauvre infirme dépérissait, son âme purifiée par la douleur devenait plus agréable à Dieu ». Plus elle souffrait, plus elle se rapprochait de Dieu devant Lequel elle se préparait sans cesse à paraître.
Pendant un peu plus d’une année, elle a eu pour voisine de chambre Mlle Deguerry, une jeune fille, aussi pieuse qu’elle et qui devint son amie intime. Les parents de cette jeune fille, honorables tisseurs de soie, se sont attachés à Annette et ont toujours pris soin d’elle, même après le décès de leur fille, mettant par exemple à sa disposition un lit dans une petite soupente (3) de leur atelier sur la Croix Rousse, pour qu’elle puisse s’y reposer pendant ses trop rares et courtes permissions de sorties. Pour reprendre les mots de Mme Loizeau, « C’est alors au comble de la maladie, de la souffrance et de l’obéissance à Dieu qu’arriva l’événement merveilleux... ».
De multiples apparitions
Première apparition (1)
Alors qu’elle était toujours hospitalisée, elle eut une visite surnaturelle que nous lui laissons raconter : « C’était le 6 novembre 1882 à l’hôpital de la Croix Rousse où j’étais rentrée depuis le 16 août. Je dormais profondément lorsque je me suis entendue appeler Anne-marie. C’est mon nom de baptême, mais on m’appelle ordinairement Annette. (…) Je vis une grande lumière autour de mon lit, mais si brillante qu'aucune clarté ne lui ressemble, toute belle soit-elle. (…) Je vis une ombre qui s'approcha de moi et me dit : « J'ai pris la forme sous laquelle tu aimes le mieux à m'implorer ». Je lui dis : « C'est Notre Dame de Fourvière ». Elle me dit « oui » Alors l’ombre s’est avancée (…). Elle me dit : « Tu souffres beaucoup, et bien je viens te consoler ». A ce moment-là, je la vis dans toute sa beauté. Il faudrait avoir le langage des anges pour pouvoir dire combien c’était beau. (…) Elle portait l'enfant Jésus (…) Dans sa main droite, la Sainte Vierge tenait une couronne blanche qui (…) avait quatre grosses fleurs blanches, je ne me souviens plus d’en avoir jamais vu de semblables. La sainte Vierge me dit : « ces quatre fleurs, tu les as gagnées par ta grande confiance en moi, par l’amour de mes pauvres, par ta dévotion aux âmes du purgatoire et, par ce qui m’est le plus agréable, c’est que tu fais toujours la volonté du Bon Dieu. (…) Tu gagneras le reste par la souffrance et par les épreuves, mais bien plus par les épreuves. Elles seront rudes, mais courtes ». (…) Ensuite, elle me dit : « il y aura des inondations très nombreuses, mais j’en préserverai Lyon, ma ville privilégiée. C’est la troisième fois que je la préserve du courroux de mon fils, mais ce sera la dernière et si l’on ne se convertit pas, je serai obligée de le laisser aller. » »
On connaît bien le culte que les Lyonnais vouent à la Vierge Marie depuis les premiers temps du Christianisme, et qui les a amenés à se mettre sous sa protection dès 1642, comme le rappelle chaque année, le vœu des échevins, le 8 septembre, puis la fête de la Lumière le 8 décembre. Par contre, on peut s’étonner d’entendre Marie parler du « courroux de son fils », le doux Jésus.
Pourtant, lors de son apparition à La Salette (4), en septembre 1846, on a bien attribué à la Sainte Vierge un message très proche : « Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si fort et si pesant que je ne puis plus le maintenir». La prédiction sur la protection apportée à Lyon s’est effectivement réalisée car, quelques semaines plus tard, en décembre 1882, le Rhône et la Saône montés en crue ont débordé, créant de terribles inondations qui ont dévasté plusieurs villes, mais Lyon a été « miraculeusement » épargné. Par ailleurs, nous pouvons noter aussi que l’apparition précise dès le début : « J'ai pris la forme sous laquelle tu aimes le mieux à m'invoquer », ce qui correspond bien à ce que nous apprenons dans le Spiritisme, à savoir que, pour atténuer les craintes et ainsi favoriser un échange, les entités savent prendre l’apparence qui permet de se faire reconnaître et d’apaiser les cœurs. Léon Denis nous le confirme (5) : « Parfois, les Esprits donnent aux formes revêtues l’aspect le plus enchanteur. (…) Ne pourrait-on assimiler à des manifestations de ce genre les apparitions dites «miraculeuses» de vierges, d’anges et de saints, qui, dès lors, trouveraient là une explication rationnelle ? ». »
Deuxième apparition
Décembre 1882, Annette demande à sortir de l’hôpital pour pouvoir se rapprocher de la congrégation de Marie à l’église Saint Augustin de la Croix Rousse. Quelques jours après, son médecin lui accorde une prolongation jusqu’après le jour de l’an, parce qu’ensuite, il lui faudra rapidement subir une nouvelle opération pour pratiquer une incision sur le cou afin d’enlever la carie qui devait attaquer l’os de la nuque. Laissons Annette nous dire où en est sa santé au passage du jour de l’an 1883 : « Depuis quelques jours, j’étais beaucoup plus souffrante. Le dimanche, j’avais l’habitude de descendre à Vaise chez mes parents, j’y allais à pied grâce à mon appareil qui me permettait de marcher, mais le dimanche 31 décembre, j’étais si souffrante que j’avais été obligée de prendre leur voiture. J’avais une névralgie très forte à la tête, j’étais surtout très douloureusement affectée par une grosseur que j’avais depuis longtemps au-dessus du sein gauche.(…) J’avais aussi des battements de cœur très forts et j’avais des plaies produites par mon appareil qui me blessait. Les plaies étaient couvertes par des croûtes. Toutes ces douleurs je les avais bien senties. » Elle reste se reposer dans la soupente des Deguerry (les parents de sa voisine de chambre décédée) au 26 rue Claude Joseph Bonnet, sur le plateau de la Croix Rousse. C’est là que la « Bonne Mère », selon le nom qu’elle avait pris l’habitude de lui donner depuis son plus jeune âge, lui serait apparue une seconde fois, le 2 janvier 1883. Pour s’assurer de la réalité du phénomène, Annette l’asperge d’eau bénite, comme le lui avait conseillé son confesseur. « Elle me regarda et sourit », puis Elle l’invite à prier avec Elle et explique : « Je suis une Mère abandonnée ! La cause de mon chagrin, c’est l’ingratitude de mon peuple. J’ai bien de la peine à retenir le bras de mon Fils… II faut que mon peuple se convertisse, qu’il fasse des pénitences et qu’il prie avec plus de ferveur. »
Elle aurait ensuite demandé de faire des neuvaines dans toutes les paroisses,9 Pater, 9 Ave et 9 fois l’invocation suivante : « Mère abandonnée, priez pour nous, mère affligée par des cœurs ingrats, priez pour nous. ».
"26 rue Claude Joseph Bonnet, sur le plateau de la Croix Rousse"
La médaille de Marie
Ce jour-là, la Bonne Mère montre la médaille qui est à son cou, sur laquelle Notre Dame de Fourvière, coiffée d’une couronne d'étoiles, porte l'Enfant Jésus tenant dans sa main un globe surmonté d'une croix entaillée à trois endroits, et le message « Notre Dame de Fourvière, priez pour nous » sur le devant et, sur l’arrière, « Dernières prières pour apaiser Mon fils » et « Mère abandonnée, priez pour nous ». Cette croix brisée, figure de l’Eucharistie et des temps selon l’apparition, peut rappeler, ici encore, le message de la Salette révélé en 1879 : «...On a négligé le devoir de la prière et, de la pénitence; on a jeté par tombereaux les crucifix des prétoires et des écoles...».
Il est vrai que c’est l’époque où on fait disparaître les croix de tous les espaces publics. Même la grande croix rousse, érigée sur la place devant l’hôpital, et qui a donné son nom au quartier, a été détruite par ordre du maire le 7 juillet 1881, soit à peine quelques mois avant l’apparition (6). La « Mère Abandonnée », pour reprendre son propre terme, aurait réclamé que des médailles identiques à celle qu’elle portait soient frappées puis portées en protection.
"La médaille de Marie"
Nouvelle année, nouvelle vie
Quand la jeune fille demande une preuve de cette rencontre surnaturelle à donner à son confesseur afin qu’on puisse la croire, l’apparition lui propose alors de la guérir. Annette raconte : « Puis elle s’approcha de moi et me fit baiser la belle médaille qu’elle avait, puis elle me toucha le front avec le revers de sa main. Aussitôt, je fus guérie. Je sentis comme un poids de chaîne qui glissait sur mon menton, ma tête se redressa. Toute ma douleur disparut, puis Elle s’éleva un peu et me dit « Nouvelle année, nouvelle vie ». Puis Elle disparut. Alors je portai la main sur ma grosseur, elle avait disparu ainsi que la croûte. » Le lendemain matin, elle se lève de bonne heure puis s’empresse d’aller écouter la messe et remercier Marie, le cœur brûlant de reconnaissance et d’amour. Revenue chez les Deguerry, elle prend les 2 seaux de ménage vides et court les remplir à la fontaine. Elle les rapporte leste et solide et interroge Mr Deguerry « Comprenez-vous que je sois tout à coup devenue forte et vigoureuse ? » En début d’après-midi, elle part voir ses parents à Vaise, pour leur montrer le miracle, puis elle rentre à la Croix Rousse en passant par les Esses. Les Lyonnais qui connaissent cette montée apprécieront la performance :« En arrivant, je n’éprouvais absolument aucune fatigue, aucun essoufflement. J’ai marché beaucoup le premier jour sans jamais rien ressentir. Je suis très forte et bien capable de travailler. Mon confesseur a voulu que je me fasse examiner par le dernier médecin qui m’avait traitée. Je lui ai rapporté mon appareil, il m’a examinée et m’a délivrée un certificat de parfaite guérison. » Un certificat médical, daté du 6 janvier 1883, confirmé par un second certificat du 25 janvier 1883, atteste que la jeune fille de 21 ans est complètement guérie et peut se livrer à un travail pénible. Cette guérison soudaine, totale, inespérée et durable permet d’authentifier un miracle qui aura un retentissement international, mais ceci est une autre histoire que nous vous raconterons le mois prochain.