Ce mois-ci, nous vous présentons une discussion sur le thème : Croire au surnaturel. Au cours d'une émission Service Public du 12/05/2014 présentée par Guillaume Erner, France Inter s'est intéressée au surnaturel et aux maisons hantées. Comment la croyance aux fantômes s'est-elle développée ? Pourquoi perdure-t-elle ? Telles étaient les questions posées aux invités qui ont pu, à tour de rôle, exposer leurs opinions variées.
Nous avons ainsi pu entendre l'historienne Stéphanie Sauget qui, bien que se disant non croyante a été suffisamment intéressée par le sujet pour avoir écrit une Histoire des maisons hantées. En partant de l'étymologie du verbe «hanter» (qui signifie «fréquenter»), elle a pu donner une rapide évolution de nos croyances, évolution qui comprend, bien entendu, la montée du spiritisme au XIXème siècle.
Dans le même sens, Jacques Finné, auteur, spécialiste de la littérature fantastique, a évoqué l'évolution de notre conception du fantôme qui est passé de la silhouette revêtue d'un drap blanc et traînant sa boule de forçat à une forme beaucoup plus proche de la nôtre.
Puis, Stéphane Allix, écrivain, réalisateur et fondateur de l'INREES (Institut de Recherche sur les Expériences Extraordinaires) a pu faire part de son témoignage lorsqu'au cours de reportages, filmant des médiums en démonstration, il a pu entendre des révélations troublantes qui l'amènent à expliquer que le croyant n'est pas celui qui se base sur des faits mais bien celui celui qui croit que rien n'existe en dehors de ce qu'il voit.
Enfin, la journaliste et médium Patricia Darré, auteure de Les lumières de l’invisible, a elle aussi, témoigné des difficultés à comprendre ce qui lui arrivait lorsqu'elle a vécu ses premières communications en écriture automatique.
Un reportage sur la visite d'une maison hantée, fabriquée de toutes pièces pour satisfaire des besoins de frissons intenses, complète le programme. C'est ainsi que, malgré des chemins et donc des points de vue différents, tous ont pu s'accorder derrière les mots de l'astronome et spirite Camille Flammarion qui disait qu'il y a des forces que nous ne comprenons pas mais qui pourtant existent et qui restent encore à découvrir.
Pour illustrer ce propos, voici un exemple que je tire de l’ouvrage d’Ernest Bozzano, les phénomènes de hantise : « La maison fut construite en 1860, le premier à l’occupé fut un M. S., qui y vécut seize ans. Durant cette période, dans le courant du mois d’août sa femme, qu’il aimait tendrement, mourut. Pour étouffer sa douleur, il s’adonna aux liqueurs, ne tardant pas à devenir alcoolique. Deux ans après, il épousa une certaine Miss J. H., qui s’était proposée de guérir son mari du vice qu’il avait contracté mais malheureusement elle finit par devenir alcoolique à son tour. Il s’en suivit que leur vie conjugale fut bouleversée par des disputes continuelles, dégénérant parfois en des scènes violentes. Un beau jour la femme se sépara de son mari, allant vivre à Clifton. Cela eut lieu en 1876, quelques mois après, M. S. mourait. Sa femme le suivit dans le tombeau le 23 septembre 1878.
Après la mort de M. S. la maison devint la propriété d’un certain M. L., homme assez âgé, qui y mourut soudain six mois après. La maison demeura alors vide durant quatre ans environ, on n’a pas de renseignements précis sur des manifestations supranormales qui s’y seraient produites en ce laps de temps mais quand on se livra à des enquêtes, on recueillit aussitôt de nombreuses rumeurs à ce sujet. En avril 1882, la maison fut louée par mon père, le capitaine Morton, c’est durant notre bail, actuellement non expiré, que se produisirent les phénomènes dont il s’agit.
Lorsque dans les derniers jours d’avril 1882 nous nous installâmes dans la nouvelle habitation, aucun de nous ne savait que des bruits couraient à propos de l’immeuble ; ce n’est qu’au mois de juillet suivant que je vis pour la première fois l’apparition. Je venais de me retirer dans ma chambre, mais je n’étais pas encore couchée, lorsque j’entendis que quelqu’un s’approchait de la porte ; croyant que c’était ma mère, j’allai ouvrir. Je ne vis personne, mais en m’avançant dans le couloir, j’aperçus une dame de haute taille, habillé de noir, arrêtée sur le palier. Quand j’arrivai, elle commença à descendre et je la suivis, curieuse de savoir qui elle était. Malheureusement, je m’éclairais avec une bougie qui s’éteignit tout à coup, m’obligeant à revenir en arrière. J’avais vu toutefois une forme de femme de taille élevée, habillée d’une robe en laine noire qui ne produisait presque pas de bruit dans la marche ; son visage était caché par un mouchoir tenu dans la main droite. La main gauche était en partie cachée dans la large manche, sur laquelle on voyait le brassard noir, distinctif de son deuil de veuve. Elle n’avait pas de chapeau, mais on voyait sur sa tête quelque chose de noir qui semblait un bonnet entouré d’un voile. Je n’avais pas pu observer autre chose mais en plusieurs occasions, je parvins à discerner une partie de son front et de ses cheveux.
Dans les deux années suivantes entre 1882 et 1884, je vis la forme cinq à six fois. D’autres personnes de la maison la virent trois fois. Ma sœur K. en premier lieu, ensuite la domestique, enfin mon frère avec un autre enfant. Il m’arriva à plusieurs reprises de la suivre ; généralement, elle descendait l’escalier et entrait dans le petit salon, restant debout dans l’angle droit de la véranda, où elle demeurait plus ou moins longtemps. Elle revenait ensuite sur ses pas et poursuivait le long du couloir jusqu’à la porte du jardin, où elle disparaissait tout à coup.
La première fois que je lui adressai la parole ce fut le 29 janvier 1884 ; comme j’en ai parlé, deux jours après, dans une lettre à une amie, je cite ce passage de ma lettre : « J’ouvris doucement la porte du petit salon et je m’y introduisis en même temps que la forme ; celle-ci pourtant me devança en se rendant près du sofa, où elle resta immobile. J’avançai aussitôt en lui demandant en quoi je pourrais lui être utile. A ces mots, elle tressaillit légèrement et parut se disposer à parler. Elle alla dans le salon et poursuivit jusqu’à la porte du jardin, où elle disparut, comme d’habitude. »
En d’autres occasions, j’ai même cherché à la toucher, mais toujours en vain, car elle m’évitait d’une manière curieuse ; non qu’elle fût impalpable, mais elle semblait être toujours hors de ma portée ; si je la suivais dans un coin, alors elle disparaissait tout à coup.
Durant ces deux années, les seuls bruits que j’entendis consistaient en un heurt léger à la porte de ma chambre, accompagné du son de pas ; si je regardais alors à la porte, invariablement je voyais la forme. Les apparitions atteignirent la période de la plus grande fréquence durant les mois de juillet et août 1884, après quoi elles commencèrent à décroître ; elles paraissent avoir actuellement cessé. Je garde un souvenir de ces deux mois dans un recueil que j’adressai à une amie ; j’en tire ce passage, portant la date du 21 juillet : « Il était 9 heures du soir, et j’étais assise avec mon père et mes sœurs dans le petit salon, près de la véranda. Pendant que je lisais, je vis la forme entrer par la porte ouverte, traverser la chambre et venir se placer derrière ma chaise. Je m’étonnais qu’aucun des assistants ne l’aperçut, alors que je la voyais si nettement. Mon frère, qui l’avait déjà vue, n’était pas dans la chambre. La forme resta derrière ma chaise durant une demi-heure environ, se dirigeant ensuite vers la porte. Je la suivis, sous le prétexte d’aller chercher un livre et je la vis traverser la salle, se diriger vers la porte du jardin, et disparaître au moment d’y parvenir. Au moment où elle passait au pied de l’escalier, je lui adressai la parole sans obtenir de réponse, bien que, comme la première fois, elle parût tressaillir et vouloir parler.»
Dans la nuit du 2 août, le bruit des pas fut entendu par mes trois sœurs et la cuisinière, qui dormaient à l’étage supérieur, et par une sœur mariée, Mme K., qui couchait au rez-de-chaussée. Le matin venu, toutes racontent avoir entendu les pas de quelqu’un qui allait et venait devant leurs portes. C’étaient des pas caractéristiques, tout à fait différents de ceux de l’un ou de l’autre membre de la famille ; ils résonnaient lentement, délicatement, mais d’une manière ferme. Mes sœurs et les domestiques n’osaient pas sortir quand ils les entendaient, mais si j’ouvrais la porte, j’apercevais alors invariablement la forme.
Le 12 août, vers 8 heures du soir (donc encore en lumière du jour), ma sœur E. était en train d’étudier son chant, quand elle s’interrompit brusquement et courut dans le salon pour m’appeler. Elle dit que, pendant qu’elle était au piano, elle avait aperçu soudain la forme à côté d’elle. Nous allâmes dans le petit salon et la trouvâmes encore immobile et droit dans l’angle habituel de la véranda. Je lui adressai pour la troisième fois la parole, mais toujours inutilement. Ella resta sur place dix minutes environ, après quoi elle traversa la pièce, passa dans le corridor, poursuivit jusqu’à la porte du jardin et disparut. Un instant après, voilà qu’arriva du jardin ma sœur M. criant qu’elle avait vu la forme traverser la pelouse et se diriger ver le potager. Ce soir-là, nous fûmes donc quatre à la voir. Je noterai que, si l’on prenait des dispositions pour en surveiller l’apparition aux moments où l’on pensait qu’elle dût se manifester, notre attente restait invariablement déçue.
Durant le restant de l’année 1884 et de celle qui suivit, l’apparition continua à se faire voir souvent, surtout aux mois de juillet, août et septembre, dans lesquels se trouvaient les trois dates de mort : celle de M. S. (14 juillet), celle de sa première femme (août), et celle de la deuxième (23 septembre). Les apparitions continuèrent à être du même type pour tout le monde ; on les vit déambuler dans les mêmes endroits à plusieurs reprises.
Le bruit des pas continua à se faire entendre ; avec nous, les entendirent de nombreux amis et les nouveaux domestiques ; en tout une vingtaine de témoins, dont plusieurs ignoraient les faits. On entendait parfois d’autres bruits, paraissant augmenter progressivement d’intensité ; ils consistaient en une impression de pas au deuxième étage, en des coups sourds contre les portes des chambres, en des tours exécutés aux boutons des portes.
De 1887 à 1889, on ne vit que rarement la forme ; le bruit des pas continua mais les autres bruits cessèrent peu à peu. De 1889 à 1892, la forme ne se laissa plus apercevoir ; les pas continuèrent quelque temps encore, ensuite ils cessèrent définitivement.
Dans ses dernières apparitions, la forme était devenue beaucoup moins substantielle. Jusqu’en 1886, elle apparut si solide et réelle qu’elle pouvait être prise pour une vivante, mais elle commença ensuite à devenir de moins en moins distincte, bien que, jusqu’à la fin, elle interceptât la lumière. On n’eut pas l’occasion de constater si elle projetait son ombre.
Plusieurs fois, avant de me coucher, et alors que les autres membres de la famille s’étaient déjà retirés pour la nuit, j’essayai de fixer des fils attachés des deux côtés avec de petites boules de colle, de telle façon qu’un heurt très léger suffisait à les faire tomber sans que le passant s’en doutât et sans qu’il pût les apercevoir à la lumière d’une bougie. Deux fois, je vis la forme passer à travers les fils, qui demeurèrent intacts.
Il n’est pas facile d’exprimer ce qui se rapporte aux sensations éprouvées en présence de la forme. Les premières fois, peut-être, j’éprouvais surtout un certain sentiment de peur de l’inconnu, mêlé à un vif désir de pénétrer le mystère. Après quelque temps, quand les apparitions ne constituaient plus pour moi une nouveauté, et que je me trouvais en état d’analyser avec calme mes impressions, j’éprouvai certainement la sensation de perdre quelque chose, comme si la forme m’avait retiré de la force. Les autres percipients parlent, au contraire, de l’impression d’un souffle froid ; quant à moi, je ne l’ai pas constaté.
Nous parvînmes à la conclusion que l’apparition était en rapport avec la deuxième femme de M. S. et voici pourquoi :
1º L’historique de la maison était entièrement connu ; en voulant rattacher la force mystérieuse à l’un ou l’autre de ses anciens habitants, Mme S. était la seule personne qui ressemblât au fantôme.
2º La forme apparaissait habillée en deuil, ce qui ne pouvait pas se rapporter à la première femme de M. S.
3º Plusieurs personnes qui connurent la seconde femme de M. S. l’identifièrent aussitôt avec la forme décrite par nous. On me présenta aussi un album de photographies, parmi lesquelles j’en choisi une comme étant celle qui ressemblait le plus à la forme que j’avais vue ; c’était la photographie de sa sœur, qui lui ressemblait beaucoup, au dire de tous ceux qui les connurent toutes les deux.
4º Sa belle-fille, ainsi que d’autres personnes qui l’ont connue, racontèrent qu’elle passait ses journées dans le petit salon où elle apparaissait sans cesse, et que la place où elle se tenait était justement l’angle de la véranda où la forme s’arrêtait.
5º La forme est sans doute rattachée à la maison, puisqu’elle n’a été vue nulle part ailleurs, et qu’aucun de nous ne vit jamais en d’autres lieux des apparitions hallucinatoires. »