Ce mois-ci, nous vous présentons les Fables de Timoléon Jaubert. Elles ont été obtenues au moyen des coups frappés.
LA CHENILLE et LE PAPILLON
D'un bouquet de jasmin labourant les contours,
Tremblante une chenille au déclin de ses jours
Se disait : " Je suis bien malade ;
Je ne digère plus les feuilles de salade
À peine si le chou lente mon appétit ;
Je me meurs petit à petit.
C'est triste de mourir... Mieux vaudrait ne pas naître
Sans murmure il faut se soumettre ;
A d'autres, après moi, de tracer leur sillon. "
" Mais tu ne mourras pas, lui dit un papillon ;
Naguère, il m'en souvient, sur la même charmille
Avec toi j'ai rampé ; je suis de ta famille.
Si tu traînes ce corps lourd, débile et poudreux,
L'avenir te réserve un destin plus heureux.
Espère !...du sommeil le passage est rapide
Tout comme je le fus, tu seras chrysalide ;
Comme moi tu pourras, brillante de couleurs,
Respirer le parfum des fleurs. "
La vieille répondit : " Imposture, imposture.
Rien ne saurait changer les lois de la nature ;
L'aubépine jamais ne deviendra jasmin
A mes anneaux brisés, à des ressorts si frêles,
Quel habile ouvrier viendrait fixer des ailes ?
Jeune fou, passe ton chemin. "
" Chenille, bien touché ! Le possible a ses bornes, "
Reprit un escargot triomphant sous ses cornes.
Un crapaud applaudit. De son dard un frelon
Insulta le beau papillon.
Non, ce n'est pas toujours la vérité qui brille.
Niez l'âme des morts, aveugles obstinés.
Prenez garde !…Vous raisonnez
A peu près comme la chenille.
LE PASTEUR ET JEANNOT
Un pasteur comme je les aime
Doux envers le prochain, sévère envers lui-même,
Vrai disciple du Christ pour tout dire en un mot,
Sous l'orme du village interpella Jeannot :
" Viens, dit-il, que je te sermonne ;
Je t'ai vu l'autre jour an prône...
Aux élans de mon cœur chacun a répondu ;
Ton œil sec et distrait m'a laissé confondu. "
" Je me jette à vos pieds, si mon discours vous froisse,
Lui répondit Jeannot avec simplicité
Faut-il dire pourquoi mon cœur a résisté ?
Je ne suis plus de la paroisse. "
" C'est mal, dit le pasteur ; c'est de très mauvais goût ;
Nous sommes tous enfants du premier homme ;
Dieu pardonne et nous aime en Chine comme à Rome.
Jeannot, sa paroisse est partout. "
LE GRAND RAT PATAPON
Que se passe-t-il donc, dans l'empire des rats ?
De nos souris pourquoi les gracieux murmures ?
Aurait-on imposé des sonnettes aux chats,
Par décret, de l'office aboli les serrures ?
Oh ! C'est bien autre chose : on dit que Ratapon,
Lui qui brûla son poil dans une léche-frite,
Par la grâce touché, vient de se faire ermite,
Et va, sans plus tarder, débiter un sermon.
Et tous les cœurs battaient. Dans un pieux silence,
La gent trotte-menu de tous côtés s'avance.
L'ermite gravement monte sur un caisson.
" Rats et souris, dit-il, j'aimais la confiture,
Le jambon et le saucisson,
Je ne détestais pas le sucre, la friture.
Loin du monde aujourd'hui, dans ce caisson de bois,
Je ne grignote plus que des coques de noix. "
" A d'autres ! dit un vieux ; je te connais, compère ;
Ton grand caisson n'est pas ce qui te désespère. "
" Blasphème ! Il ne contient qu'un peu de foin gâté.
Il sent bon, direz-vous. Odeur de sainteté.
Tremblez, pécheurs, tremblez ; l'ennemi vous menace.
Dans mes rêves, je vois un chat enfariné.
Dans quel siècle suis-je donc né !
Ah ! Convertissez-vous ; mangez de la filasse,
Des rognures, du pain moisi.
Croquer les poules d'eau n'est pas faire carême ;
Aux mangeurs de poisson. Anathème, Anathème !
Jeûnez frères, jeûnez. Le ciel le veut ainsi !
Maintenant laissez-moi dans mon triste ermitage.
D'abstinence j'ai fait le vœu.
Ici je veux mourir. Je vous bénis. Adieu.
Pauvre rat ! Le gaillard prêchait sur un fromage.
Communication obtenue par coups frappés