Ce mois-ci, nous vous proposons un ouvrage original A l'ombre de l'orme un texte psychographié par le médium : Dolores Bacelar et dicté par un esprit se nommant un jardinier. C'est une série de contes.
Ce livre est disponible actuellement au Brésil mais il n'existe pas de traduction française aussi les membres de notre centre se sont mis à l'œuvre et ils veulent vous faire partager ces instants de bonheur qu'ils ont eus.
Nous vous présentons trois contes déjà traduits et vous disons bonne lecture…
Notes de l'éditeur
La "Maison Editoriale Spirite du ABC" éprouve beaucoup de joie à l'occasion de cette parution. Premièrement parce qu'il s'agit d'un très beau livre ; deuxièmement parce que ce livre est placé sous la responsabilité médiumnique de Madame Dolorès Bacelar, personne très estimée dans le mouvement spirite.
"A l'ombre de l'orme" n'appartient pas à la catégorie de romans qu'on lit presque d'une seule traite, c'est une œuvre douce et légère, comme une brise qu'on espère sentir toujours, comme quelque chose qui ne finit jamais. Profonde, par paradoxe, et de ce type de pages qui ont besoin d'être lues lentement, presque dans le rythme d'une symphonie de Beethoven. Elles pénètrent par nos yeux et se répandent sur le sentiment comme la rosée fraîche du matin. Les lettres qui forment des phrases dans le meilleur style de la sagesse orientale, se transforment en petites gouttes de paix, elles apaisent et tranquillisent. Et plus encore : ces gouttes viennent tomber devant la plus pure raison.
L'Esprit-auteur, caché sous le pseudonyme de "Un Jardinier" est une de ces créatures dont les expériences ont modelé le ressenti au cours des âges. Et dans le langage poétique de son symbolisme, il reprend le fond de la tradition chrétienne des enseignements qui renferment toute la sagesse millénaire. "Swami" est le nom oriental que l'auteur a rencontré pour désigner le Christ.
C'est un livre court, de pages courtes, qui nous feront méditer longuement. Avançons, lecteur, par les pistes de ce pommier et nous nous assiérons à l'ombre de l'orme.
Wilson Garcia.
La pierre de la sagesse
Quand le printemps nous enveloppait, apportant avec lui désirs vains, doutes et inquiétudes, nous quittions le petit village où nous vivions au bord d'une grande rivière et nous cherchions l'ombre de l'érable, un coin charmant où un sage "rishi" avait coutume de méditer, loin du tumulte de l'agglomération urbaine.
Nous nous réunissions matin et après-midi dans ce lieu, nous les jeunes du village, assis en cercle autour du maître pour mieux profiter de son enseignement. Tout en nous plongeant dans ses yeux si doux, nous attendions avec impatience les histoires qu'il réservait à nos oreilles avides.
Ainsi, il nous apprenait à distinguer la vérité du mensonge, le bien du mal.
Ses histoires étaient simples. Elles avaient la pureté des eaux courantes. Dans ma volonté d'apprendre, je buvais ses paroles comme la terre assoiffée absorbe l'eau de la pluie; c'est pourquoi je les ai gardées toutes, si présentes en ma mémoire.
Longtemps, comme les graines dans un parterre de fleurs, elles sont restées enfouies dans mes souvenirs... Un jour j'ai senti que ces histoires germaient, impatientes de fleurir. Voilà pourquoi je permets aujourd'hui que ces histoires viennent à la lumière, et que je les raconte maintenant comme je les ai entendues autrefois à l'ombre de l'érable .
Une fois, en fin d'après-midi, le "rishi" nous a dit :
- Si un homme se croit supérieur, et qu'il choisit un mauvais chemin, il anticipe sa propre fin. Jamais je ne lui dirai : tu es sur le mauvais chemin. Comment me croirait-il, lui qui s'estime savant et qui me juge ignorant ?
Alors, le "rishi" nous a raconté l'histoire de l'homme qui a refusé la pierre de la Sagesse.
Cet homme , qui se croyait sage, effectuait un voyage d'affaire qui le conduisait vers une ville voisine. Il rencontra un marchand astucieux qui vendait de fausses pierres soit-disant précieuses, mais qu'il prétendait véritables et pures.
Aveuglé par la brillance des pierres, l'homme qui s'estimait connaisseur des choses des âmes, poussé par son désir malsain d'obtenir les biens matériels avec son or et non par l'effort et l'expérience, en acheta quelques unes bien au-dessus de leur valeur.
De retour dans sa ville, il exposa ces pierres à ses amis et à ses connaissances, heureux de son prétendu trésor. Il demeura dans cet état jusqu'au jour où, les montrant à un expert pour l'épater, celui-ci lui révéla finalement que ses pierres, qu'il croyait si précieuses, n'étaient en réalité que des pierres sans valeur.
S'apercevant de la supercherie, plus blessé dans son amour-propre que dans sa bonne foi, il jeta toutes ses pierres à la poubelle, indigné, oubliant qu'il était surtout victime de sa propre présomption.
Quelques temps après, il reçu la visite d'une tierce personne, dont la mission était de distribuer à tous les nécessiteux, les pierres précieuses de la Sagesse que Shiva lui avait confiées, et cela gracieusement, comme le soleil répand la lumière. Cet homme, ayant eu vent de la tromperie qui avait spolié celui qui se croyait savant, frappa à sa porte au crépuscule.
Quand ce dernier ouvrit sa porte, l'émissaire de Shiva lui montra une de ses pierres précieuses blottie au creux de la paume de sa main . En voyant la pierre, qui étincelait dans une transparence bleutée, illuminée par la douce clarté du soleil rasant, comme si elle conservait en elle toute la pureté et la luminosité du jour, l'homme qui se croyait savant des choses de l'âme ne lui accorda aucune importance et, repoussant le visiteur, il vociféra :
- On ne me trompera plus! Hors de ma vue, homme cupide... de mon riche argent, tu n'emporteras pas le moindre écu.
Calme, tout en remettant sa pierre en poche, l'émissaire lui répondit :
- Je ne suis pas venu pour te vendre un trésor, mais pour te l'offrir. Tu le refuses. Tant mieux, cela ne t'aurais pas rendu service.
Alors l'émissaire de Shiva a salué, puis il a poursuivi tranquillement son chemin, distribuant gracieusement ses offrandes comme les oiseaux font don de leurs chants et comme les plantes nous gratifient de leurs fleurs...
L'homme qui s'estimait connaisseur des choses de l'âme, resta immobile dans l'embrasure de sa porte, regardant avec mépris la silhouette de l'émissaire qui s'évaporait dans l'obscurité qui fait suite au crépuscule.
Avec fierté, il se dit en lui-même : - Plus personne ne me roulera, plus personne...
Dans l'infini, quelques étoiles scintillaient parmi les nuages floconneux...
En refermant sa porte, l'homme pensait :
- Bon vent, imposteur...Ce n'étaient que des lucioles.
L'abeille et l'offrande
Le soleil de fin d'après-midi descendait vers l'horizon, illuminant les montagnes au loin.
Assis à l'ombre de l'orme, nous écoutions les enseignements du "rishi". Ses paroles résonnaient au plus profond de chacun d'entre nous.
Montrant une abeille qui voletait parmi les fleurs, il dit :
- Dans notre vie, nous devons imiter l'abeille dans sa façon de se procurer sa douce nourriture : cueillir le nectar des fleurs sans les blesser, en respectant leur délicatesse. Si nous agissons de la sorte, notre travail ne sera pas inutile et le bien que nous ferons ne sera pas amer.
Nous écoutions en silence...
Un peu plus loin, à la bordure du chemin, un petit berger surveillait ses agneaux en jouant doucement de la flûte de bambou. A nos oreilles, sa mélodie semblait un hymne de louange adressé à cette fin d'après-midi.
Dans un murmure, le "rishi" nous dit :
- Si les agneaux obéissent docilement à la musique du petit berger, c'est qu'elle leur est très agréable tout comme la berceuse que fredonne une maman à son fils pour l'endormir. Si le berger criait ses ordres, au lieu de les faire sortir de sa flûte en notes harmonieuses, les agneaux effrayés se seraient dispersés. De la douceur de la musique, dépend le calme du troupeau.
Encore plus loin, le fleuve s'écoulait lentement, avec la sérénité des justes. Un bateau fendait les eaux comme un cygne aux ailes blanches, sans perturber par son passage le miroir lumineux de la surface de l'eau étincelante et chatoyante. Le bateau est reparti aussi vite qu'il était arrivé.
Toujours plus loin, sur l'autre rive du fleuve, accompagné par un enfant, un éléphant est entré dans l'eau pour se laver. Ses mouvements, pourtant modérés, ont immédiatement provoqué des remous, soulevant de la boue et de la vase. Les eaux du fleuve, agitées, noircies, ont aussitôt cessé de réfléchir l'or du soleil.
- Voici deux angles opposés de la vie... dit le "rishi". Peu d'êtres font comme le bateau qui vient de passer et laissent derrière eux un sillage de paix. A travers les haines, ces êtres là se fraient un chemin sans haïr... Au bon milieu de la boue, ils glissent sans se tâcher... Parmi les ambitieux, ils passent sans ambition... Face à l'erreur, ils maintiennent leur vérité.
- Dans le même temps, ajouta le "rishi", les autres soulèvent de la fange partout où ils passent. Provoquant agitation et tumulte, ils souillent les consciences pures, vierges de toute méchanceté.
Nous écoutions en silence...
La musique du petit berger continuait de bercer cette fin d'après-midi, pleine d'harmonie avec le chant des oiseaux.
Tout aussi harmonieuse était la voix du "rishi", quand il poursuivit :
- Les erreurs d'autrui sont faciles à repérer, mais nos propres erreurs paraissent se cacher comme la fleur au sommet des montagnes, comme les étoiles à la clarté du jour...
Alors le "rishi" cessa de parler, rentrant en lui-même. Puis, il continua :
- Un matin, j'ai vu un paysan qui plantait sa semence. Ses doigts enfouissaient les graines au coeur de la terre qui offrait son sein fertile avec volupté. Mais l'homme, maladroitement, détruisait son travail de ses pieds à mesure qu'il l'effectuait de ses mains. Quelques jours plus tard, j'ai entendu le même homme qui, de retour à sa plantation et voyant sa semence sans vie, incendiait le ciel qui n'avait pas envoyé de pluies propices à fertiliser le sol.
Le "rishi" nous dit encore :
- Il était pareil à cet homme qui, tel un rhinocéros en furie, ne comprend pas pourquoi la prairie ne pousse pas là où il a mis les pieds et accuse la reine "Chovri" d'être responsable de la rareté de la verdure. Dans la forêt lointaine, nous entendions les bûcherons chanter leurs chants plaintifs et monotones. Leurs coups de haches s'abattaient sur le tronc des arbres au rythme de la musique. Portée par la brise, l'odeur des eucalyptus fraîchement coupés venait jusqu'à nos narines.
Après avoir inspiré cette brise parfumée, le "rishi" nous demanda :
- L'un d'entre vous connaît-il les arbres que l'on abat là-bas ?
- Non, maître... Nous ne sommes jamais allés dans cette forêt.
- Néanmoins, sans que nous les connaissions et sans qu'ils ne nous connaissent non plus, ces arbres nous enivrent de leur parfum porté par la brise. Ainsi doivent se faire les vrais dons, désintéressés, sans ostentation, sans rien attendre en retour, accompagnés d'un sourire même quand on est soi-même dans le chagrin.
Sur la route proche, un homme riche était descendu de voiture et distribuait de la nourriture à un groupe de pauvres affamés. Après chaque distribution, en réponse au geste de gratitude que chaque pauvre faisait de ses mains misérables, l'homme riche disait :
- Ne me touche pas ! Ne me salis pas mes beaux vêtements de lin avec tes doigts sales.
Lorsque notre "rishi" nous regarda, nous vîmes que ses yeux limpides étaient remplis de chagrin. La voix posée, il nous dit :
- Comme lui, beaucoup d'hommes ressemblent au cactus du désert. Même quand ils offrent des fleurs, ils blessent, ils meurtrissent. Leurs dons laissent à la bouche une saveur amère que même le miel ne parvient pas à adoucir...
Et le "rishi" s'est tût, comme en prière .
Finalement, il nous a dit :
- Je me souviens d'un jeune qui lançait des pierres à un manguier pour en décrocher les fruits. Les mangues tombaient sur le sol et, en éclatant, se couvraient de poussière. Les ramassant au sol, il les rejetait aussitôt, et, impatient, recommençait à lancer des pierres au manguier... Beaucoup d'hommes font de même. Dans leur désir de cueillir des fruits nets et convenables, mûrs et savoureux, ils jettent des pierres au cœur d'autrui.
Près de nous, bourdonnant joyeusement, l'abeille finissait son travail de récolte de nectar. Elle allait de fleur en fleur, donnant souvent l'impression de leur faire un baiser, en guise de remerciement...
La vraie richesse
Les cerisiers étaient en fleurs, le matin où l'homme ambitieux partit en quête d'or.
Quand il en aurait trouvé, à force de persévérance, il pourrait réaliser ses vieux rêves de richesse et de pouvoir. Il ne pensait pas à la difficulté de sa recherche, exalté qu'il était par la folie de son ambition.
Il marchait en songeant à ce que cet or lui vaudrait comme honneurs et gloires, femmes magnifiques, palaces exotiques, bijoux et vêtements mirifiques.
Il marchait perdu dans ses doutes, craignant de ne pas arriver à ses fins... Ses pieds foulaient la route que le printemps bordait de fleurs aux couleurs de l'arc en ciel. Les oiseaux tournaient dans le ciel sous des nuages semblables à des plumes. Les enfants se promenaient main dans la main, ou formaient en chantant des rondes innocentes.
L'homme ambitieux poursuivait son chemin, indifférent aux fleurs qui arboraient leurs mille couleurs et au vol des oiseaux. Rêvant sans cesse à ses trésors promis, il n'écoutait pas les chants fraternels des enfants.
Il était tellement obsédé par l'or qu'il en voyait partout. En automne, il prenait pour de l'or les feuilles dorées ou les maïs bien murs que le soleil inondait de sa lumière. La nuit, dans chaque étoile qu'il regardait, il voyait une pépite qui lui faisait signe.
Ainsi passèrent les jours, les mois et les années. Le printemps souvent, très souvent, s'habilla de fleurs de cerisiers. Les oiseaux rebâtirent plusieurs fois leur nid à la fourche des branches. Et déjà, c'étaient d'autres enfants qui chantaient dans les champs.
Un jour, après avoir beaucoup marché, l'homme ambitieux ressentit la fatigue de son inutile recherche. Il demanda l'hospitalité dans une belle maison où il fut accueilli avec beaucoup de sollicitude. Des gens hospitaliers lui procurèrent repos et bien-être.
A cet instant, il faillit oublier son vieux rêve d'or, tellement l'ambiance dans laquelle il était plongé était agréable.
Dans cette grande demeure tout était calme et douceur. Même les occupants avaient de très jolis noms. L'un d'eux, âgé et portant une grande barbe et des cheveux blancs comme neige, s'appelait monsieur "Bon-Sens". Avec lui habitaient aussi les biens-nommés "Amitié", "Désintérêt", "Harmonie" et un certain "Confiance", lequel était un homme jeune au visage candide et innocent.
Sous le même toit demeuraient également madame "Fraternité" et monsieur "Respect". Assise devant la porte, regardant avec amour les gens tristes et pauvres qui passaient, madame "Charité" tenait par la main monsieur "Amour" et monsieur "Bien". Quant à elle, madame "Patience" tissait des rêves merveilleux pour le futur.
Quel tableau féerique cela faisait. Pourtant, alors qu'on lui présentait "Paix" et "Bonheur", l'homme ambitieux aperçut l'énorme pépite que "Providence" avait posée sur la grande table.
Un peu à l'écart, "Idéal" et "Espérance" discutaient avec "Altruisme".
Provenant de loin, le son d'un orgue en prière jouait un "nocturne" qui absorbait peu à peu la lumière d'un jour merveilleux.
Oubliant "Vigilance" qui se trouvait à ses côtés, l'homme ambitieux s'empara de la pépite qu'il avait repéré sur la table et s'enfuit à toutes jambes.
Et quand, après avoir été appréhendé par "Discrédit", "Justice" lui demanda avec gentillesse :
- N'as-tu pas vu que nous étions tous ici ?
Il répondit :
- Je n'ai rien vu d'autre que cet or.